L'annonce avait fait l'effet d'un coup de tonnerre mardi dans la paisible capitale Libreville, à la veille de la fête nationale célébrant le 56e anniversaire de l'indépendance du pays: le principal challenger du chef de l'Etat, Jean Ping, ralliait à sa cause deux autres poids lourds de la vie politique, l'ex-président de l'Assemblée nationale Guy Nzouba Ndama et l'ancien premier ministre Casimir Oyé Mba.
Pour le sociologue Anaclet Bissielo, proche de l'opposition, cette alliance aura "un impact majeur" sur le résultat final, alors qu'Ali Bongo apparaissait jusqu'à présent grand favori pour un second septennat face à une opposition dispersée.
En désignant un seul "chef de guerre", il s'agit de créer un "électro-choc" chez les électeurs afin qu'ils n'aient plus peur de voter pour l'opposition, malgré "les intimidations du pouvoir", affirme-t-il à l'AFP.
Plusieurs fois ministre d'Omar Bongo, le père d'Ali, Jean Ping, 73 ans, a effectué un mandat à la tête de la Commission de l'Union africaine (2008-2012). Il est un des rares opposants à se prévaloir d'une certaine notoriété internationale.
M. Ping comme MM. Nzouba Ndama et Oyé Mba sont d'anciens cadres du régime d'Omar Bongo qui fut président 41 ans, jusqu'à sa mort en 2009.
S'il est encore difficile de mesurer leur véritable poids électoral faute de sondages, cette alliance est un "signe fort", car elle réunit les trois principaux candidats qui ont su "mettre leurs egos de côté", souligne un observateur de la politique gabonaise.
M. Nzouba Ndama, 70 ans, a présidé l'Assemblée nationale pendant 19 ans jusqu'à sa démission en mars, où il a tissé de solides réseaux au sein de toute la classe politique gabonaise.
Casimir Oyé Mba, 74 ans, représente de son côté l'ethnie fang, la plus importante parmi les quelque 1,8 million d'habitants du Gabon.
Un accord encore flou
Contacté par l'AFP, Alain-Claude Bilie-By-Nze, porte-parole du candidat Bongo et du gouvernement, raille un "marchandage d'épiciers" entre "vieux policitiens", un "non-évènement".
"Ping a mis le chéquier sur la table pour rembourser les frais déjà dépensés par les deux autres candidats et leur a promis des postes, c'est du marchandage", accuse-t-il.
Par ailleurs, la région de M. Nzouba, l'Ogooué-Lolo, est "un bastion du PDG (Parti démocratique gabonais, au pouvoir). Il y est populaire, mais dès lors qu'il n'est plus candidat, ce n'est pas du tout évident que les voix se reportent" sur M. Ping, estime-t-il.
Jean Ping doit en outre faire face à la résistance d'une partie de l'opposition qui lui reproche d'avoir voulu s'imposer dès janvier comme candidat unique, ce qui avait engendré deux camps ennemis, entre "pro" et "anti-Ping".
Parmi les dix autres candidats, certains ont déjà annoncé qu'ils ne retireraient pas leur candidtaure au profit de M. Ping. C'est notamment le cas de Pierre Claver Maganga Moussavou (Parti social-démocrate, PSD), déjà candidat à trois présidentielles, et d'un ex-Premier ministre d'Ali Bongo, Raymond Ndong Sima.
M. Ndong Sima s'est finalement retiré des discussions parce qu'elles se sont "focalisées sur le partage des postes à pourvoir en cas de victoire" au détriment d'un projet de société commun, a-t-il justifié mercredi soir sur son compte Facebook.
Les détails de l'accord, qui rassemble les trois candidats mais aussi plusieurs partis d'opposition et organisations de la société civile, n'ont d'ailleurs pas été dévoilés. Les parties prenantes interrogées par l'AFP sont restées très vague sur son contenu.
"C'est un contrat global qui prévoit la mutualisation de tous les moyens" humains, financiers et logistiques durant la campagne mais aussi après l'élection, affirme M. Bissielo, qui en a été l'un des artisans.
Il s'agissait avant tout de "parvenir à un consensus" répondant aux demandes des Gabonais et de la communauté internationale pour être crédible, selon ce sociologue. "Tout le monde est conscient que nous allons vers une impasse s'il n'y a pas d'alternance fin août".
Avec AFP