Mercredi, la commission électorale a déclaré Ali Bongo élu avec 49,80% des voix, notamment grâce à la province du Haut-Ogooué, son fief électoral, où il a officiellement remporté plus de 90% des voix avec plus de 99% de participation. Mais de nombreux Gabonais contestent ce résultat.
Samedi après-midi, ce sont quelque 2.500 manifestants selon les organisateurs, 1.000 selon la police, qui ont défilé bruyamment, comme en transe, du Trocadéro à l'ambassade du Gabon, beaucoup vêtus de jaune, la couleur de la campagne de Jean Ping.
En ronde, certains enveloppés dans le drapeau gabonais, les manifestants frappent le sol du pied, en rythme, comme pour donner plus de force à leurs incantations. Des rondes, ils en forment depuis une semaine maintenant devant l'ambassade. Ils espèrent que leur mobilisation attirera l'attention de la communauté internationale.
Mireille Moukoubi, 38 ans, entrepreneure du Haut Ogooué, assure ne pas comprendre les résultats qu'(Ali Bongo) "s'est attribués" dans sa province. "Je suis révoltée, je me dis que le président Ali Bongo a pris en otage et stigmatisé" le Haut-Ogooué "comme étant à sa botte".
Cette femme originaire de la ville de Mounana raconte que depuis les résultats du vote, elle et certains de ses proches ont été attaqués sur les réseaux sociaux : "C'est le climat qu'Ali Bongo a créé". Pourtant, se défend-elle, des leaders de l'opposition, comme Zacharie Myboto et sa fille Chantal, sont originaires de cette province et se battent pour Jean Ping.
'Silence, Ali Bongo tue'
Dans le cortège, des pancartes appellent au départ d'Ali Bongo. D'autres évoquent les Gabonais morts depuis l'annonce des résultats. "Silence, Ali Bongo tue", peut-on lire sur l'une d'entre elles.
Selon un décompte de l'AFP, les émeutes qui secouent le pays ont fait au moins sept morts. Mais les manifestants parisiens sont convaincus que ce chiffre est bien plus élevé, parlant de centaines de victimes. Beaucoup n'ont qu'un mot à la bouche : "génocide".
Tête de file de la gauche radicale française, Jean-Luc Mélenchon rejoint un temps le rassemblement. Il n'est "pas acceptable que l'on massacre ceux qui veulent seulement des élections libres et démocratiques", lance-t-il, avant d'être chaudement applaudi.
Dans les avenues huppées du 16e arrondissement, un visage connu de la Françafrique arpente lui aussi le pavé. C'est Robert Bourgi, proche de Jean Ping et ancien avocat d'Omar Bongo, le père d'Ali. Il souhaite, dit-il, "réparer son erreur de 2009", quand il avait appelé à l'élection d'Ali Bongo.
Lui aussi craint le pire. Et notamment que, "dans les jours, les semaines à venir, on découvre des charniers" au Gabon.
Junior Boulemba, étudiant en master d'ingénierie mécanique, se demande lui dans quel Gabon il remettra les pieds. Il vient devant l'ambassade depuis la veille des élections "pour éviter la fraude", redoutant un bourrage des urnes.
S'il veut le départ d'Ali Bongo, c'est qu'il espère pouvoir rentrer un jour au Gabon. Mais pour l'instant, "ce n'est pas possible. J'habite dans un quartier qui s'appelle +ça m'étonne+ (dans la banlieue de Libreville, ndlr), où il n'y a ni eau, ni électricité. C'est un quartier où en 2009, on a eu la visite de Pascaline Bongo", la soeur d'Ali Bongo. Avant les élections, "ils nous ont assuré qu'il y aurait bientôt de l'eau et de l'électricité. Mais jusqu'aujourd'hui, il n'y a rien", se désole l'étudiant aux longues dreadlocks.
A la tête du cortège, un jeune lève "Odio", une torche indigène faite de sève et d'écorce d'okoumé, utilisée lors de rites initiatiques et censée "montrer le chemin". Une manifestante y voit un symbole, car dit-elle, aujourd'hui, "le Gabon a besoin de lumière".
Avec AFP