Le 13 mai, le procureur de Fada N’Gourma (est du Burkina Faso), Judicael Kadéba, avait annoncé la mort dans la nuit de 12 personnes parmi 25 ayant été arrêtées pour "suspicion de faits de terrorisme", dans leurs cellules de la gendarmerie à Tanwalbougou (est), et l'ouverture d'une enquête confiée à la brigade de recherche de la gendarmerie de Fada N’Gourma.
Ces allégations avaient aussitôt été réfutées par le Collectif contre l’impunité et la stigmatisation des communautés (CISC) qui avait exigé une "enquête spéciale et la saisie de la justice internationale".
"Toutes ces personnes ont été exécutées de manière systématique. Tous les témoins au cimetière sont d’avis qu’elles ont été exécutées", a déclaré lundi Aziz Diallo, dont un cousin (Abdoulaye Barry, 34 ans) figure parmi les victimes, au cours d'une conférence de presse.
"Mon cousin a été exécuté d’une balle dans la tête", a insisté M. Diallo, député-maire de la ville de Dori, estimant que "l’heure est grave si on peut tuer des êtres humains ainsi dans notre pays en 2020".
"A l’intérieur de la morgue, nous avons défait le sachet plastique qui l’enveloppait et on a vu qu’il a été abattu d’une balle dans la tête. C’est très clair", a insisté le député.
Son cousin et sa famille avaient fui leur foyer dans la province du Yahgha, dans le nord du pays, "à cause des attaques terroristes", a expliqué M. Diallo.
Des témoins au cimetière de Fada N’Gourma où les douze corps ont été inhumés, dont onze dans une fosse commune, ont également décrit des scènes "dignes d’un film d’horreur" avec des "corps dégradés, saignants dans des sacs plastiques".
- continuer à interpeller les autorités -
"Tous ceux qui étaient au cimetière étaient tous unanimes que les corps portaient tous des blessures au niveau de la tête. Leurs linceuls étaient entachés de sang, particulièrement sur la tête", a indiqué le secrétaire général du CISC, Daouda Diallo, dénonçant des "exécutions sommaires".
Selon le CISC, une quarantaine de personnes au total ont été arrêtées, dont certaines étaient au marché de Pentchangou (5 km de Tanwalbougou), ou revenaient de la mosquée. L'ONG se demande "quel sort sera réservé aux survivants".
"On va continuer à interpeller les autorités, ceux qui font semblant de ne pas voir ce qui se passe. Tout ceux qui laissent cela se faire rendront compte", a lancé Aziz Diallo.
"On ne peut pas sous le couvert de la lutte contre le terrorisme prendre des individus, des vieux de 60 à 70 ans et des enfants, puis les abattre sans autre forme de procès. Ce n’est pas rendre service à la lutte contre le terrorisme mais c’est plutôt donner des arguments, davantage motiver les terroristes".
Les forces de l'ordre du Burkina Faso, ainsi que des groupes d'autodéfense, ont été plusieurs fois depuis trois ans accusées de bavures ou d'exactions, notamment contre des populations peules.
Certains Peuls ayant rejoint les groupes jihadistes, qui ont tué plus de 850 personnes depuis 2015 au Burkina, il est fréquent d'entendre des Burkinabè faire l'amalgame entre jihadistes et Peuls.