Le "beau Blaise", resté 27 ans au pouvoir, est cité à comparaître non en tant que président mais en tant que ministre la Défense, portefeuille sur lequel il gardait la haute main. Il ne sera pas dans le box des accusés puisqu'il vit en exil à Abidjan depuis qu'il a laissé le pouvoir. Son avocat français, Pierre Olivier Sur, sera à Ouagadougou pour le défendre.
Les ministres sont poursuivis pour "complicité d'homicide volontaire et blessures volontaires" pour avoir participé "au Conseil extraordinaire des ministres du 29 octobre 2014 au cours duquel ils ont décidé de (faire appel à) l'armée pour réprimer les manifestants" contre la modification de la Constitution qui devait permettre à Compaoré de briguer un nouveau mandat.
"Le Premier ministre, en signant la réquisition spéciale a fourni aux forces de défense et de sécurité les instruments et moyens qui leur ont permis de tirer à balles réelles sur des manifestants, occasionnant des coups et blessures sur 88 d'entre eux et sept décès", souligne l'ordonnance de renvoi.
Clothilde Ky, ministre déléguée au Budget, et Yacouba Ouédraogo, ministre des Sport, qui n'avaient pas participé à ce Conseil des ministres, sont les seuls à échapper aux poursuites.
'Règlement de comptes politiques'
Tous les autres ministres ont été inculpés mais bénéficient de liberté provisoire avec interdiction de quitter le pays à l'exception notable de Djibril Bassolé, ancien ministre des Affaires étrangères, écroué dans le cadre du putsch raté de septembre 2015. Ses proches estime son incarcération injustifiée et demandent son hospitalisation. Sa présence est attendue.
Tous les accusés risquent la peine de mort au terme de ce procès qui est censé durer huit jours.
Après 27 ans au pouvoir, Blaise Compaoré avait tenté de modifier la Constitution en 2013 pour briguer un cinquième mandat. Cette tentative avait marqué le début du soulèvement populaire, fatal à son régime. Au total, 33 personnes ont été tuées lors de ces manifestations, selon des sources officielles même si le procès ne concerne que 7 décès.
"Ce que nous espérons (du procès), c'est la vérité et la justice (...), pour que le peuple burkinabè puisse repartir sur la bonne voie", a déclaré avant le procès le porte-parole de l'Union des familles de l'insurrection populaire Nébon Bamouni.
"Perdurer dans le mensonge, sans savoir qui a fait quoi (...), ne fera qu'enfoncer le Burkina Faso dans des troubles, alors que c'est ce que nous voulons éviter", a-t-il estimé.
"Nous attendons que le droit soit dit", a martelé le secrétaire général de l'Union des familles de l'insurrection populaire, Patrice Bazié, soulignant que la justice était une "condition sine qua non de notre sincère réconciliation".
Dans un communiqué, le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP, le parti de Compaoré) a dénoncé ces poursuites, parlant de "violation manifeste de l'Etat de droit" et "d'instrumentalisation de nos institutions à des fins de règlement de comptes politiques".
"Nous ne nous faisons pas d'illusions. Les dés sont jetés", a estimé le parti, accusant le pouvoir de livrer une "chasse aux sorcières" contre les "anciens ministres pourchassés par la vindicte du régime" actuel.
Créée en 1995 sous le régime de Blaise Compaoré dont elle s'apprête à juger le dernier gouvernement, la Haute cour de justice, restée inactive jusque-là, est la seule juridiction habilitée à juger le chef de l'Etat et des ministres pour des faits commis dans l'exercice de leurs fonctions.
Réactivée en avril 2015, avec le renouvellement de ses neuf membres, nommés pour trois d'entre eux par le président de la Cour de cassation et six par le Parlement, la Haute Cour de justice est présidée par une magistrate de grade exceptionnel, Elisabeth Bado-Somé.
Avec AFP