"Comme nous sommes dans un pays régi par la loi et si le peuple dit qu'elle autorise quelqu'un à se représenter (à la magistrature suprême) sans violer la loi, si le peuple le demande, nous ne trahirons pas la confiance du pays, la confiance du peuple", a déclaré M. Nkurunziza, lors d'une séance de questions publiques à Rutana, dans le sud-est du Burundi.
"Le peuple peut décider chaque fois qu'il le désire (de réformer) la Constitution", a-t-il ajouté, suggérant ainsi qu'il était prêt à réviser l'actuelle Constitution, dont l'article 96 prévoit que le chef de l'État "est élu au suffrage universel direct pour un mandat de cinq ans renouvelable une fois".
Des divergences sur l'interprétation de cet article sont à l'origine de la crise actuelle. M. Nkurunziza avait été élu une première fois par le Parlement en 2005, dans le cadre d'un mécanisme de sortie de guerre civile (1993-2006) prévu par l'accord d'Arusha (2000), puis une deuxième fois au suffrage universel en 2010.
Il considère donc que son premier mandat ne compte pas, ce qui l'a autorisé à se représenter fin avril 2015 à un troisième mandat, avant d'être réélu en juillet de la même année.
L'opposition, la société civile et une partie de son camp ont au contraire jugé ce troisième mandat contraire à la Constitution et à l'Accord d'Arusha, précipitant le pays dans une grave crise qui perdure.
Depuis avril 2015, les violences ont fait plus de 500 morts et poussé plus de 300.000 personnes à quitter le pays.
M. Nkurunziza a reconnu avoir promis à l'occasion de sa réélection de ne pas se représenter en 2020. Mais cette décision avait été prise "en fonction de la conjoncture du moment", a-t-il argué.
Pour légitimer sa révision de la Constitution, il entend se baser sur un rapport récent du Conseil national du dialogue interne (CNDI), qui a affirmé qu'une majorité des participants à ce dialogue souhaitaient mettre un terme à la limite de deux mandats présidentiels.
Après la publication de ce rapport, le Conseil des ministres avait décidé de créer une commission chargée de préparer une révision de la Constitution, conformément aux conclusions du CNDI.
Ce dialogue national exclut cependant une large partie de l'opposition intérieure et en exil, avec laquelle le gouvernement burundais refuse de discuter, malgré les pressions de la Communauté internationale.
La révision constitutionnelle envisagée par M. Nkurunziza pourrait aussi mettre fin aux dispositions issues de l'accord d'Arusha, qui prévoient des quotas ethniques entre Hutu (85% de la population) et Tutsi (14%) pour les corps de défense et de sécurité (armée, police et services secrets), les postes électifs et la haute fonction publique.
L'opposition et la société civile burundaise, en exil, craignent une révision "en profondeur" de la Constitution, qui la ferait sortir du cadre de l'accord d'Arusha, lequel constitue selon elle le socle démocratique du Burundi.
Vendredi, le président Nkurunziza a, par ailleurs, menacé de retirer en janvier les troupes burundaises déployées en Somalie dans le cadre de la force de l'Union africaine sur place (Amisom), si la dispute entourant le paiement de leur salaire n'était pas réglée.
"Sachez que nous les Burundais, ne sommes pas allés en Somalie pour gagner de l'argent mais pour aider ce pays", a-t-il déclaré. "Si cette question des salaires de nos soldats (engagés dans l'Amisom) n'est pas réglée, nous nous sommes préparés pour un retrait de nos troupes de Somalie en janvier."
Selon Bujumbura, le contingent burundais - 5.400 hommes sur les plus de 22.000 de l'Amisom - n'est plus payé depuis 11 mois. Les salaires de l'Amisom sont financés par l'Union européenne (UE).
Mais l'UE entend payer ces soldats burundais directement, sans passer par Bujumbura, pour empêcher leur gouvernement d'utiliser cet argent à d'autres fins et l'inciter à discuter avec l'opposition en l'asphyxiant encore un peu plus économiquement.
Avec AFP