Pour les festivités, les militants du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC), le parti présidentiel, ont été invités à soutenir le chef de l'Etat de 91 ans, revenu mi-octobre dans son pays après six semaines d'absence et de rumeurs alarmantes sur sa santé. "Mobilisons-nous comme un seul homme derrière le président Paul Biya pour assurer la stabilité et le progrès du Cameroun", enjoint le secrétaire général du Comité central du parti Jean Nkuete, dans une circulaire publiée fin octobre en vue des préparatifs du 6 novembre.
Cette lettre vante le "fantastique bilan" du chef de l'Etat et appelle à "contrer les élucubrations et prédictions malveillantes" visant celui qui accéda au pouvoir en 1982 après la démission d'Amadou Ahidjo. "Le peuple camerounais est ainsi le peuple du respect de l'âge et des aînés", affirme le texte exhortant à "poursuivre sous la houlette" du chef de l'Etat.
Ce que certaines sections du RDPC ont fait sans tarder. Dans l'Ouest, des dizaines de militants et sympathisants ont signé une motion invitant "tous les Camerounais, sans discrimination fondée sur les opinions politiques, pour qu'ils nous rejoignent dans notre appel à la candidature du président de la République, Paul Biya".
A Ebolowa, dans le sud du pays, la projection d'un documentaire dédié à "Paul Biya, un grand homme d'Etat au destin prodigieux" a donné lieu à un appel similaire: le ministre de l'Éducation, également secrétaire à la communication du RDPC, a "demandé solennellement" au chef de l'Etat d'être candidat à la présidentielle d'octobre 2025 au nom de la région Sud.
"Silence"
Comme à son habitude, Paul Biya n'a lui-même donné aucune indication sur ses intentions. Il n'a pas désigné de dauphin, le sujet de sa succession reste un tabou. Sa gestion autocratique s'est durcie après sa dernière élection très contestée en 2018, avec depuis une répression féroce de toute opinion dissonante, des arrestations et des condamnations, selon les défenseurs des droits humains.
Sa longue absence après le sommet Chine-Afrique à Pékin, début septembre, a fait couler beaucoup d'encre. Après une série de rumeurs alarmantes sur sa santé, les autorités avaient publié le 8 octobre un communiqué inhabituel affirmant qu'il se portait bien, travaillait depuis la Suisse et rejoindrait son pays "dans les prochains jours".
Le chef de l'Etat, qui a par le passé déjà effectué de longs séjours en Suisse, pour des soins médicaux ou des villégiatures luxueuses critiquées par ses opposants, est finalement rentré le 21 octobre, avec un accueil spectaculaire préparé par son parti. Il a été accueilli à l'aéroport de Yaoundé par le secrétaire général de la présidence Ferdinand Ngoh Ngoh, à proximité d'un élévateur destiné à assister les passagers à mobilité réduite, et de Chantal, son épouse.
Depuis, il a multiplié les signatures de décrets régissant la vie du pays, notamment une série de nominations de militaires, signe, selon ses partisans, qu'il est toujours aux commandes. Le secrétaire adjoint du RDPC, Grégoire Owona, a ainsi assuré samedi qu'il "se tue au travail pour son pays" et "connaît bien les dossiers" dans une émission sur la télévision publique CRTV.
La semaine dernière, la présidence a publié des photographies d'une audience au palais présidentiel où l'on voit le chef de l'Etat, tout sourire, s'entretenir avec le haut commissaire du Gabon, le doyen du corps diplomatique local, en fin de séjour au Cameroun. Les seules images depuis son retour. La dernière édition du Temps des opportunités, un magazine publié par le cabinet civil de la présidence, célèbre sur une cinquantaine de pages son activité diplomatique "intense" sous le titre "Paul Biya en métronome".
Le "code Biya" se résume par "l'absence, la distance et le silence", écrit le directeur de la CRTV Charles Ndongo dans une tribune publiée lundi dans Cameroon Tribune. Ces mots destinés à expliquer le secret de la longévité du chef d'Etat le plus âgé du monde sonnent comme des reproches chez ses détracteurs.
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