"Meckassoua, c'est mon président !" Alors que la campagne officielle n'a pas commencé, plusieurs milliers de personnes ont afflué, samedi 5 décembre dans un stade de Bangui, pour soutenir l'un des principaux candidats à la présidentielle du 27 décembre en Centrafrique.
Au milieu des slogans accrochés partout, des groupes de musique et de danses traditionnelles, Karim Meckassoua, applaudi par la foule au stade 20 000 places, arrive dans une ambiance festive malgré le soleil écrasant.
Ce candidat indépendant est l'un des rares musulmans à briguer la présidentielle. Il a été plusieurs fois ministre, notamment sous l'ex-président François Bozizé dont il fut proche. Il était également pressenti pour présider la transition en janvier 2014 après la chute de M. Bozizé, renversé par l'ex-rébellion musulmane Séléka.
"C'est la personne qu'il faut pour ce pays, quelqu'un qui peut rassembler toute la population centrafricaine quelle que soit sa religion", s'enthousiasme Hassane Doungoucha.
Sur les gradins, fait exceptionnel, toutes les confessions ont répondu présentes : de nombreux chrétiens mais aussi des musulmans, minoritaires dans le pays, qui vivent d'ordinaire retranchés dans leur enclave du PK5 à Bangui et n'osent pas en sortir de peur de se faire attaquer par les milices majoritairement chrétiennes anti-balaka.
Les différentes religions ont toujours cohabité en Centrafrique, y compris au sein d'une même famille, jusqu'à ce que le pays sombre dans les violences intercommunautaires en 2013.
"C'est grâce à la visite du pape", selon un spectateur
Abdou, la vingtaine, n'en revient pas : "c'est la première fois depuis longtemps que nous sommes réunis comme ça, sans animosité!"
"C'est grâce à la visite du pape" François à Bangui les 29 et 30 novembre et à ses nombreux appels à la réconciliation, analyse le jeune musulman, en tee-shirt blanc imprimé du slogan du candidat : "Le rassembleur".
Karim Meckassoua a même invité un rival, Anicet-Georges Dologuélé, annoncé comme l'un des poids lourd de cette présidentielle, assis à ses côtés à la tribune.
"Il existe un remède qui peut guérir la Centrafrique et ce remède, c'est vous", lance en français et en langue nationale sango M. Meckassoua, qui se dit prêt à "dépasser les clivages et unir les forces de notre pays (...) pour tirer le meilleur de ses richesses".
La Centrafrique, dont certains territoires sont contrôlés par des groupes armés, "est à genoux, nous devons d'abord nous dire la vérité (...) il faut rétablir son autorité", rappelle-t-il toutefois.
Mélissa, 20 ans, reste sceptique malgré l'envie d'y croire. "On a besoin de quelqu'un de très différent pour faire avancer notre pays. Tous ceux qui nous ont gouvernés étaient là juste pour empocher l'argent, ils oublient vite leurs promesses une fois qu'on les a élus", dit la jeune femme aux longs cheveux rouges.
100 morts depuis fin septembre
"Nous ce qu'on veut, c'est la sécurité et un avenir pour nos enfants", affirme Murielle Balangbou, la quarantaine, qui vit dans un camp de déplacés de la capitale après les affrontements entre miliciens anti-balaka et jeunes musulmans proches de l'ex-Séléka qui ont fait 100 morts depuis fin septembre.
"Nos enfants ne fréquentent plus l'école et nous vivons dans des conditions lamentables, nous voulons retourner chez nous", dit-elle.
La Centrafrique a basculé dans la violence après la prise du pouvoir à Bangui de la Séléka en mars 2013, qui a commis de graves exactions à l'encontre des civils. Les milices anti-balaka, créées au départ en réaction ont à leur tour participé aux atrocités, plongeant le pays dans un cycle de représailles sans fin.
Après de multiples reports dus à l'insécurité et à des difficultés logistiques, le premier tour des élections présidentielle et législatives a été fixé au 27 décembre, suivi d'un éventuel second tour le 16 janvier.
Près de deux millions d'électeurs - sur environ 4,6 millions d'habitants - se sont inscrits sur les listes électorales, signe de l'engouement populaire suscité par le vote.
Noël, étudiant en droit, ne veut toutefois pas crier victoire trop vite. "Jusqu'à aujourd'hui, tout le monde a échoué à réconcilier les frères de Centrafrique. Y en a-t-il seulement un (parmi les candidats) qui en est capable?"
Avec AFP