Issa Sallet Adoum, Ousman Yaouba et Tahir Mahamat, membres d'un des plus puissants groupes armés qui terrorisent les populations depuis des années, les 3R (Retour, Réclamation et Réhabilitation) et accusés du massacre de 46 civils dans les villages de Koundjili et Lemouna (nord-ouest) le 21 mai 2019, ont notamment été reconnus coupable de "meurtres", "actes inhumains" et de "traitements humiliants et dégradants".
Le premier a été condamné à la perpétuité et les deux autres à vingt ans de réclusion pour "crimes contre l'humanité" et "crimes de guerre". Issa Sallet Adoum, a également été reconnu coupable en sa "qualité de chef militaire" des "viols commis par ses subordonnés", précise le communiqué de la CPS.
Me Manguereka André Olivier, s'exprimant au nom des avocats de la défense, a indiqué "prendre acte du verdict" et annoncé son intention de "faire appel", en qualifiant la décision de "demi-victoire". La Cour avait requis en août la perpétuité pour les trois accusés, une sentence à laquelle seul M. Sallet Adoum a été condamné.
La CPS a été créée en 2015 par le gouvernement sous le parrainage des Nations unies pour juger les crimes de guerre et contre l'Humanité commis depuis 2003, elle avait ouvert ce premier procès le 25 avril dernier.
Satisfaction
"Nous sommes très satisfaits du verdict, c'est un message pour les bourreaux : tôt ou tard la justice se prononce sur leurs actes", a déclaré à l'AFP Me Fernand Made-Djapou, coordinateur de la coalition des organisations de la société civile pour la CPS, partie civile au procès.
"J'ai vécu l'attaque de Koundjili, où mon grand frère (...) a été tué comme 13 personnes que je connaissais", a raconté à l'AFP un homme de 34 ans, sous couvert d'anonymat. "Je suis heureux de cette décision et que la Cour a mentionné les cas de viols dont six de mes sœurs ont été victimes", a-t-il souligné.
Tahir Mahamat, un des trois accusés qui clame son innocence, s'est présenté affaibli à l'audience sur un brancard après avoir entamé une grève de la fin depuis 21 jours, ont constaté des journalistes de l'AFP. Les accusés ont trois jours pour interjeter appel, précise la Cour qui les a acquittés des chefs de "torture en tant que crime de guerre".
Le ministre de la Justice, Arnaud Djoubaye Abazene, a salué cette décision qualifiée de "triomphe de la justice" et qui "marque un signal fort" dans la "lutte contre l'impunité", a-t-il déclaré en marge de l'audience.
Les travaux de la CPS ont été lancés en octobre 2018 avec les premières enquêtes. Cette cour spéciale est composée de juges et procureurs originaires – outre de Centrafrique – notamment de France, du Togo et de République démocratique du Congo (RDC).
La Centrafrique, deuxième pays le moins développé au monde selon l'ONU, est le théâtre depuis 2013 d'une guerre civile, très meurtrière dans ses premières années mais qui a baissé d'intensité depuis 2018. Elle a d'abord opposé des milices à majorité musulmane coalisées au sein de l'alliance Séléka, à d'autres – les anti-balakas –, dominées par les chrétiens et animistes, l'ONU accusant les deux camps de crimes de guerre et contre l'Humanité.
La guerre civile se poursuit aujourd'hui entre des groupes armés rebelles, issus des Séléka et anti-balakas parfois réunis, et l'armée du président Faustin Archange Touadéra épaulée par des centaines de paramilitaires russes.