PARIS (Reuters) - Surnommé "Abou Issen", Chérif Kouachi, recherché avec son frère Saïd après la fusillade à Charlie Hebdo, est un suspect bien connu des services antiterroristes français pour son implication dans la filière djihadiste dite "des Buttes Chaumont".
Quelques heures après la tuerie qui a fait 12 morts et suscité une vague d'émotion, un avis de recherche a été diffusé mercredi soir avec les noms et les photos des deux hommes, âgés respectivement de 32 et 34 ans, habitant le XIXe arrondissement de Paris et "susceptibles d'être armés et dangereux".
Les soupçons des enquêteurs se sont portés sur la fratrie après la découverte de la carte d'identité d'un des deux hommes dans la Citroën C3 qu'ils ont abandonnée dans leur fuite près de la porte de Pantin à Paris, selon une source policière.
Après la mort de ses deux parents immigrés d’Algérie et une enfance passée en foyer à Rennes, où il passe son brevet d'éducateur sportif, le plus jeune des frères, Chérif Kouachi, s'installe à Paris avec son frère Saïd Kouachi et travaille comme livreur de pizzas, raconte Libération.
Au début des années 2000, les deux frères fréquentent la mosquée Adda'wa située dans le quartier de Stalingrad à proximité des Buttes Chaumont, dans le XIXe arrondissement, et dirigée par le prédicateur Farid Benyettou.
Accusé d'être à la tête d'une filière de recrutement et d'acheminement de djihadistes pour la branche irakienne d'Al Qaïda, ce dernier sera condamné à six ans de prison ferme à l'issue du procès en mai 2008.
"Farid Benyettou apportait à ces jeunes un soutien religieux et idéologique pour conforter leur désir de partir", dit à Reuters Me Christophe Grignard, qui était son avocat à l'époque.
Interpellé en janvier 2005 alors qu'il s'apprêtait à prendre l'avion pour la Syrie afin de se battre en Irak aux côtés des insurgés islamistes, Chérif Kouachi est lui condamné le 14 mai 2008 à trois ans de prison, dont 18 mois avec sursis.
"Plus le départ approchait, plus je voulais revenir en arrière. Mais si je me dégonflais, je risquais de passer pour un lâche", explique-t-il à la barre en 2008.
"Il était soulagé d'avoir été arrêté", raconte son avocat de l'époque, Me Vincent Ollivier, dans le Parisien-Aujourd'hui en France.
"APPRENTI LOSER"
Me Ollivier se souvient d'un "apprenti 'loser', d'un livreur à casquette qui fumait du haschich et livrait des pizzas pour acheter sa drogue. Un gamin paumé qui ne savait pas quoi faire de sa vie et qui, du jour au lendemain, a rencontré des gens qui lui ont donné l'impression d'être important."
Une fois en prison, il apparaît "fermé, il n'était plus dans la discussion. Ce n'était plus le même", selon l'avocat.
Deux ans plus tard, Chérif Kouachi est soupçonné de préparer l'évasion de Smaïn Ait Ali Belkacem, un des cerveaux des attentats en 1995 du RER Musée d'Orsay et Saint-Michel, ce dernier ayant fait huit morts et près de 120 blessés.
Il avait été placé en détention provisoire en mai 2010 avant d'être libéré en octobre de la même année et de bénéficier d'un non-lieu le 26 juillet 2013.
Dans son réquisitoire définitif, publié par Le Point, le procureur écrit: "En dépit de son ancrage avéré dans un islam radical, de son intérêt démontré pour les thèses défendant la légitimité du djihad armé et de ses relations avec plusieurs acteurs du dossier, et malgré une attitude pour le moins non coopérative, il ne résultait pas de l'information judiciaire des éléments démontrant l'implication de Chérif Kouachi dans le projet mené par les autres mis en examen."
Le troisième suspect de la fusillade à Charlie Hebdo s'est présenté de lui-même mercredi soir au commissariat de Charleville-Mézières, dans les Ardennes. Hamyd Mourad, 18 ans, est le beau-frère d'un des frères Kouachi, selon une source judiciaire.
Invité sur RTL jeudi matin, le Premier ministre Manuel Valls a confirmé que les frères Kouachi étaient "connus des services et parce qu'ils étaient connus des services, ils étaient suivis".
"Ces individus étaient sans doute suivis mais il n'existe pas de risque zéro", a-t-il souligné.
Le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve a de son côté indiqué, sur Europe 1, qu'il n'y avait aucune procédure judiciaire en cours les visant et qu'il "n'y avait pas d'élément particulier témoignant, les concernant, de l'imminence d'un attentat".