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Climat: quand les citoyens mettent les gouvernants sur le gril


Greta Thunberg, figure emblématique de la lutte contre le dérèglement climatique en 2018.
Greta Thunberg, figure emblématique de la lutte contre le dérèglement climatique en 2018.

Manifestations monstres des jeunes pour le climat, multiplication des actions de désobéissance civile: face à la crise climatique, des citoyens ont bruyamment réclamé des comptes à leurs dirigeants en 2019, année qui sera parmi les plus chaudes jamais enregistrées.

L'adolescente suédoise Greta Thunberg, encore inconnue il y a un an, est devenue à 16 ans le visage d'une jeunesse en colère. Avec sa "grève de l'école pour le climat", elle a entraîné dans son sillage des centaines de milliers de jeunes, jusqu'à être pressentie pour le prix Nobel de la paix et être désignée personnalité de l'année par le magazine Time.

Extinction Rebellion, mouvement de désobéissance civile non violente né au Royaume-Uni, a essaimé. Avec leur credo "l'espoir meurt, l'action commence", ses militants ont bloqué Londres et multiplié les actions dans le monde, ne craignant pas de se faire arrêter en masse.

Fin novembre, à l'occasion du "Black Friday" et de la COP25 de Madrid, des militants ont aussi bloqué des mines de charbon en Allemagne ou des entrepôts d'Amazon en France.

Le déclic de cette mobilisation grandissante? La publication, fin 2018, du rapport spécial des experts climat de l'ONU, le Giec, sur ce que sera le monde avec un réchauffement de 1,5°C, et de 2°C.

"Le message des scientifiques a été que chaque demi-degré compte", relève Amy Dahan, historienne des sciences, spécialiste du changement climatique au CNRS. Leur parole, longtemps cantonnée aux cercles des chefs d'Etat et des ONG, a été largement relayée. Des citoyens se sont emparés du rapport pour le rendre accessible à tous.

"C'est nouveau", constate la climatologue Corinne Le Quéré, présidente du Haut conseil pour le climat en France et membre de la Commission sur le changement climatique britannique. "Ça fait 30 ans que je travaille sur les changements climatiques et pendant 29 ans, comme scientifiques, nous avons fait notre travail en douce", plaisante celle qui, actuellement, reçoit "des invitations tous les jours" pour participer à des débats.

- Cyclones, canicules, inondations -

Ce "rapport 1,5°C" a aussi été un déclic pour Caroline Merner, militante écologique de 24 ans. Il "nous a donné une ligne de temps très claire: il reste 12 ans pour agir", souligne la Canadienne, membre du mouvement Youth4Climate.

Plus question de laisser passer les écarts entre les engagements et les décisions des dirigeants politiques, selon elle. "Les jeunes n'acceptent pas le greenwashing", les discours volontaristes non suivis d'effet.

Cette année, le Giec a encore tiré la sonnette d'alarme sur la question de la gestion des terres et sur les océans. Et le groupe d'experts de l'ONU sur la biodiversité, l'IPBES, a alerté sur la dégradation vertigineuse des espèces.

Au même moment, les phénomènes climatiques extrêmes se multiplient, n'épargnant aucun continent: cyclone Idai au Mozambique, typhon Hagibis au Japon, canicules record et sécheresse en Europe, incendies en Californie et Australie, Venise inondée, tandis que l'Indonésie compte déplacer sa capitale face à la montée des eaux. "On voit les changements climatiques de nos propres yeux", constate Corinne Le Quéré.

2019 s'annonce comme une des années les plus chaudes jamais enregistrées. Après 2015, 2016, 2017 et 2018...

Sous la pression de la rue et des urnes avec la percée des écologistes au Parlement européen, les gouvernements commencent à agir. Paris et Londres ont déclaré l'urgence écologique et climatique. L'union européenne veut atteindre la neutralité carbone en 2050.

Mais en dépit de la mobilisation grandissante, la 25e Conférence de l'ONU pour le climat à Madrid début décembre a abouti sur un accord a minima.

- "Agir ensemble" -

Les marches pour le climat ont mobilisé en masse aux Etats-Unis, en Australie ou en Allemagne, plus modestement dans des pays d'Asie, d'Afrique ou d'Amérique latine, pourtant en première ligne face aux changements climatiques.

Pour autant, il ne faut pas penser que les populations du Sud ne se mobilisent pas, selon Alfredo Jornet, professeur à l'Université d'Oslo. Des mouvements "y sont très actifs depuis longtemps", relève-t-il, citant les peuples autochtones en Amazonie.

"Vous pouvez vous préoccuper du climat quand vous avez de l'argent, des privilèges", renchérit Melina Sakiyama, activiste brésilienne de 34 ans, pour qui les questions environnementales et sociales sont intimement liées.

Cette mobilisation citoyenne va-t-elle encore grandir en cette nouvelle année-clé pour le climat mais aussi la nature? Outre une COP26 importante à Glasgow fin 2020, l'Union internationale pour la conservation pour la nature (UICN) tient son congrès mondial en France en juin, avant un sommet international sur la biodiversité en Chine en octobre.

2020 sera "l'année de l'action", a voulu croire Greta Thunberg en marge de la COP25. "Nous entrerons dans une nouvelle décennie, une décennie qui va définir notre avenir."

Avec AFP

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