Les plus pauvres de la planète n'émettent que 10 % des rejets polluants mais en souffrent le plus : l'inégalité entre Nord et Sud face au réchauffement s'est imposée, mercredi 2 décembre, dans les pourpalers de la COP21 à Paris, qui débutent laborieusement.
"Si l'accord de Paris veut être à la hauteur, les gouvernements devront faire quelque chose pour ceux qui n'ont rien", souligne l'ONG Oxfam qui publie son rapport "Inégalités extrêmes et émissions de CO2" au troisième jour des négociations entre 195 pays qui se tiennent au Bourget, près de Paris.
La question de l'inégalité entre pays riches et pauvres est au coeur des discussions. "Il faut qu'il y ait de la solidarité, pas uniquement financière, aussi humaine et technologique", a estimé mercredi un délégué de la Côte d'Ivoire, à l'issue d'une réunion de tous les pays africains. "Nous devons passer à la phase concrète, la phase active", a-t-il dit à l'AFP.
Or, au deuxième jour des pourparlers, "tout va très lentement", constate un négociateur européen, qui a requis l'anonymat.
"Il y a des centaines de personnes qui travaillent sur des morceaux du texte de négociation (...) mais les délégations campent sur leur position, et la frustration monte", ajoute-t-il.
L'aide financière, la question la plus difficile
Mardi, il y a eu "25 réunions", et mercredi, "il y en a 23" de prévues, a indiqué le porte-parole de la Fondation Nicolas Hulot, Matthieu Orphelin.
Les pays en développement insistent pour que l'aide financière des pays industrialisés, pour faire face au changement climatique, monte en puissance, un point essentiel selon eux du futur accord de Paris.
"La question de l'aide financière est la plus difficile", reconnait Alden Meyer, de l'ONG américain Union of Concerned scientists.
Selon Oxfam, "le changement climatique est intrinsèquement lié aux inégalités économiques : c'est une crise induite par les émissions de gaz à effet de serre des nantis qui frappe le plus durement des pauvres".
Dix pour cent des habitants les plus riches de la planète sont responsables de plus de la moitié des émissions de CO2, alors que la moitié la plus pauvre du globe n'est responsable que de 10 % des rejets polluants, assure Oxfam.
Alors que le calcul des émissions de CO2 se fait généralement en fonction de la production par pays, cette étude porte sur les émissions de CO2 directement liées à la consommation individuelle, et prend donc en compte les produits importés.
Le rapport montre qu'une personne qui fait partie des 1 % les plus riches au monde "génère en moyenne 175 fois plus de CO2 qu'une personne se situant dans les 10 % les plus pauvres".
Et Oxfam montre que même si les émissions des grands émergents progressent très vite - la Chine est le premier pollueur au monde -, celles "liées au mode de consommation des habitants les plus riches dans ces pays restent bien plus faibles que celles de leurs équivalents dans les pays riches de l'OCDE".
300 millions d'Indiens sans électricité
Un exemple : "les émissions par habitant de 10 % des Indiens les plus riches ne représentent qu'un quart des émissions de la moitié la plus pauvre de la population des Etats-Unis".
La question de la part que doivent prendre les grands pays émergents dans l'effort commun pour réduire les gaz à effet de serre est un autre sujet épineux, car ces pays mettent en avant leur droit au développement.
"L'Inde a du charbon et ne va pas laisser 300 millions de personnes sans électricité" sauf si elle reçoit une aide financière et technologique massive pour des énergies propres, fait valoir Harjeet Singh de l'ONC Action Aid.
Même si en 2013, près de 60 % des émissions de gaz à effet de serre étaient le fait des pays en développement, contre 34 % en 1990, ces derniers pointent également la "responsabilité historique" des pays industrialisés dans ce dérèglement pour exiger une différence de traitement.
Actuellement, 183 pays couvrant quelque 95 % des émissions de gaz à effet de serre ont annoncé des mesures pour limiter, voire réduire, ces émissions à l'horizon 2025 ou 2030.
Avec ces engagements, ces émissions devraient néanmoins progresser de 22 % entre 2010 et 2030, ce qui met la planète sur la trajectoire d'un réchauffement entre 2,7°C et 3,5°C par rapport à l'ère pré-industrielle, quand l'objectif est de le limiter à 2°C.
Le but de la COP21 est de s'entendre sur un mécanisme garantissant une révision à la hausse des objectifs, en faisant le point régulièrement - tous les cinq ans est le plus probable - sur les efforts fournis et ceux restant à faire.
Avec AFP