Le problème de la fermeture des frontières masque en effet des obstacles plus profonds à la réalisation d'un "marché commun" africain.
Sur le papier, la Zlecaf réunit 54 des 55 pays africains (manque l'Erythrée qui n'a pas signé l'accord), soit 1,2 milliard d'habitants, et représente un PIB cumulé de 2.500 milliards de dollars, l'équivalent du PIB de la France. Soit le plus grand marché commun du monde en terme d'habitants, mais très loin derrière l'Union européenne en terme de richesse.
Les ambassadeurs en poste au siège de l'Union africaine à Addis Abeba ont donc proposé le 1er janvier 2021 comme nouvelle date de mise en oeuvre, une recommandation qui doit être adoptée par les chefs d'Etat.
Elle a été lancée en grande pompe au sommet de l'Union africaine de Niamey il y a un an, en présence de 32 chefs d'Etat, une centaines de ministres et 4.500 délégués, avec l'objectif ambitieux de faire progresser rapidement les échanges intra-africains, pour doper les économies du continent le moins développé.
Le commerce intra-africain ne représente que 15% des échanges totaux du continent, contre 70% pour l'Union européenne.
La mise en oeuvre effective de la Zlecaf n'a cependant pas beaucoup avancé.
"Tout le monde peut voir que rien ne peut être fait au 1er juillet", parce "les frontières de 42 pays africains sont partiellement ou totalement fermées" à cause de la pandémie de nouveau coronavirus, a expliqué à l'AFP le secrétaire général de la Zlecaf, le Sud-Africain Wamkele Mene.
Encore cette nouvelle date est-elle hypothétique, "cela dépendra de l'évolution de la pandémie", souligne M. Mene, qui travaille à Addis Abeba, les bureaux du secrétariat général de la Zlecaf à Accra n'étant pas encore ouverts à cause de l'épidémie de coronavirus.
Mais au-delà de la pandémie qui bloque les échanges, la réalisation effective de la Zlecaf reste encore nébuleuse.
- "Il faudra longtemps" -
Seulement un peu plus de la moitié des pays signataires ont ratifié l'accord de libre-échange, soit 28 sur 44. Parmi eux, des poids lourds économiques, tels que l'Afrique du Sud, l'Egypte, ou encore des poids moyens comme le Maroc, le Kenya et la Côte d'Ivoire.
Mais d'autres pays sont réticents : le mastodonte Nigeria, pays le plus peuplé d'Afrique avec ses 200 millions d'habitants, n'a toujours pas ratifié l'accord, pas plus que l'Algérie ou l'Angola, puissance pétrolière.
"Le Nigeria est engagé dans l'accord, mais, bien sûr, le Covid-19 a retardé les choses et nous devrons probablement tout revoir", a commenté la ministre nigériane des Finances Zainab Ahmed.
En août 2019, le Nigeria n'a pas hésité à fermer brutalement ses frontières à ses voisins et partenaires économiques, une mesure ultra-protectionniste décidée unilatéralement pour endiguer le commerce de contrebande et stimuler son économie nationale. Une décision violant également sans vergogne l'accord de libre-échange de la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao), qui n'a toujours pas été levée.
La coexistence entre la Zlecaf et les huit organisations économiques régionales africains déjà existantes pose d'ailleurs question.
"Les communautés économiques régionales demeurent, avec leurs obligations pour leurs pays membres". "Nous bâtissons (la Zlecaf) sur la libéralisation et les progrès déjà accomplis par ces communautés", avance Wamkele Mene, sans plus de précision.
Une intégration dans une véritable union douanière continentale sera discutée à l'avenir, justifie-t-il.
Selon le secrétaire général, l'objectif des négociations de la Zlecaf est la disparition des taxes douanières pour 97% des produits d'ici 15 ans, avec une application graduelle pour les pays les moins développés.
Cette libéralisation entraînerait une augmentation d'environ 16% du commerce intra-africain, soit en valeur 16 milliards de dollars supplémentaires, selon les calculs du Fonds monétaire international (FMI).
Une somme plutôt modeste à l'échelle du continent, dont les échanges avec l'Union européenne, son premier partenaire commercial, sont deux fois plus importants que le commerce intra-africain.
Du reste, la suppression des droits de douane ne suffira pas. Il faudra aussi s'attaquer aux nombreux obstacles non tarifaires, comme la médiocrité des infrastructures de transport, de logistique, de communication, l'harmonisation des systèmes de paiement, notent le FMI comme de nombreux experts.
"Il faudra longtemps pour réaliser l'intégration (africaine), parce que d'énormes investissements d'infrastructure sont nécessaires", estime l'économiste sud-africain Lumkile Mondi, de l'université de Witwatersrand, citant l'interconnexion des oléoducs et gazoducs, des aéroports, des chemins de fer, routes et système de télécommunication.