Les violences se multiplient depuis trois ans dans le centre du Mali entre Peuls, traditionnellement éleveurs, et les ethnies bambara et dogon, pratiquant majoritairement l'agriculture.
Lors d'une rencontre de réconciliation le 25 mars entre dirigeants peuls et dogons à Koro (centre), le Premier ministre Soumeylou Boubeye Maïga avait promis de "désarmer de gré ou de force les milices". "L'Etat ne sous-traite pas sa sécurité", avait-il déclaré.
Les Peuls dénoncent régulièrement des exactions à leur encontre, au nom de la lutte contre les jihadistes, de la part de groupes de chasseurs traditionnels, tolérées voire encouragées selon eux par les autorités, ou de l'armée, ce que dément le gouvernement.
"Je suis le président de la coordination du bureau national du groupe d'autodéfense +Dana Amassagou+, qui veut dire +les chasseurs qui se confient à Dieu+", a déclaré à l'AFP David Tembiné, chef de ce groupe de chasseurs dogons.
"Nous sommes le nombre qu'il faut pour défendre nos parents contre les milices, notamment peules, qui les attaquent", dans des zones où l'Etat est absent, a assuré M. Tembiné.
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De son côté, l'Alliance pour le salut du Sahel entend défendre "les civils peuls du Mali et du Burkina Faso contre les exactions", a expliqué à l'AFP un de ses responsables, Yessouf Diallo, un ancien fonctionnaire.
La Mission de l'ONU au Mali (Minusma) a annoncé jeudi lors d'un point de presse l'envoi cette semaine d'une mission spéciale de sa division des droits de l'homme "pour enquêter sur les incidents survenus le 19 mai 2018 à Boulkessy" (également orthographié Boulkessi, NDLR).
Lors d'une patrouille sur un marché de cette localité proche du Burkina Faso, un militaire malien a été tué, ainsi qu'au moins douze personnes, selon l'armée, faisant état de "terroristes neutralisés", alors qu'il s'agissait de civils, selon des habitants.
Dans le centre du Mali, la sécurité des civils s'est "encore détériorée", déplore dans son dernier rapport trimestriel sur le pays le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres.
Les groupes jihadistes y ont "exacerbé les tensions et les violences intercommunautaires, surtout entre les Peuls et les Dogons, et fait un nombre de victimes civiles sans précédent" dans leurs opérations visant les forces maliennes et étrangères, selon le rapport.
Dans la région frontalière du Niger (nord-est), les violences intercommunautaires "ne sont pas rares" à cette période "en raison des aléas climatiques qui rendent difficile l'accès à l'eau et aux pâturages", relevait le 4 mai le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) à la suite d'une série de violences contre des Peuls et des Touareg.
Mais "ce qui est inhabituel", soulignait le CICR, "c'est l'ampleur de ces violences".
Le nord du Mali était tombé en mars-avril 2012 sous la coupe de groupes jihadistes liés à Al-Qaïda, en grande partie chassés ou dispersés par une intervention militaire lancée en janvier 2013 à l'initiative de la France, qui se poursuit.
Mais des zones entières échappent au contrôle des forces maliennes, françaises et internationales, régulièrement visées par des attaques meurtrières, malgré la signature en mai-juin 2015 d'un accord de paix, censé isoler définitivement les jihadistes.
Depuis 2015, ces attaques se sont étendues au centre et au sud du Mali et le phénomène déborde sur les pays voisins, en particulier le Burkina Faso et le Niger.
Avec AFP