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Dans le Sahel, les aviateurs français prêts à prendre en main les drones armés


Les forces de l’armée française de l’opération anti-terroriste Barkhane, à Niamey, Niger, 31 juillet 2017.
Les forces de l’armée française de l’opération anti-terroriste Barkhane, à Niamey, Niger, 31 juillet 2017.

Un "atout supplémentaire" dont l'usage sera strictement encadré: pour les aviateurs français engagés dans l'opération Barkhane, l'armement prochain des drones de surveillance déployés dans le ciel sahélien leur permettra de lutter plus efficacement contre les jihadistes.

"Aujourd'hui on est déjà capables de guider des bombes (au laser) avec nos drones. La différence, c'est que demain la bombe sera sous les plumes du (drone) Reaper", explique le lieutenant colonel Romain (son nom de famille reste confidentiel pour des raisons de sécurité), chef du détachement de drones sur la base aérienne de Niamey.

Ancienne puissance coloniale et partenaire privilégiée du Niger, la France dispose ici de quatre Mirage 2000 et de cinq drones de fabrication américaine, chargés d'observer sans relâche les groupes armés au Sahel et de collecter du renseignement.

Or les six prochains drones Reaper attendus par l'armée française en 2019 seront équipés d'un armement, a annoncé en septembre la ministre des Armées Florence Parly.

"Le drone armé est complémentaire de la chasse, il sera un atout supplémentaire", détaille le lieutenant colonel Anthony, pilote de Mirage.

Les Etats-Unis critiqués

Capable de surveiller des zones sensibles jusqu'à 20 heures d'affilée en toute discrétion, entre 7.000 et 13.000 mètres d'altitude, "le drone, s'il est armé, pourra agir immédiatement" en cas d'identification d'une "cible", sans attendre l'arrivée d'un chasseur, qui peut prendre du temps sur un théâtre aussi vaste que la bande sahélo-saharienne, fait-il valoir.

L'usage de ces drones, une fois armés de missiles air-sol de type Hellfire (50 kg, précision d'environ un mètre), sera strictement encadré par la France, insiste le lieutenant colonel Romain.

Le sujet est sensible: l'intense campagne d'"assassinats ciblés" menée depuis plus d'une décennie par les Etats-Unis à l'aide de Predator et de Reaper en Afghanistan, au Pakistan ou au Yémen, est régulièrement accusée de bafouer l'éthique et la loi avec des frappes à l'aveugle, et de "déshumaniser" la guerre en confiant le pilotage des drones à des opérateurs "hors sol".

"Les documents relatifs à l'opération Haymaker, dans le nord-est de l'Afghanistan, montrent qu'entre janvier 2012 et février 2013, les frappes aériennes ont tué plus de 200 personnes. Parmi elles, seules 35 étaient visées", écrit le journaliste américain Jeremy Scahill dans son ouvrage-réquisitoire "La machine à tuer".

La France prend soin d'assurer qu'elle ne suivra pas cette voie. Ce sont les militaires, et non un service de renseignement comme la CIA, qui auront la main sur les drones armés.

Et pour ouvrir le feu, les équipages français - chacun composé d'un pilote, un opérateur de capteurs, un interprète d'images et un officier de renseignement - "appliqueront exactement les mêmes critères qu'un pilote de Tigre ou de Mirage", assure le lieutenant colonel Romain.

'Humain dans la boucle'

"Le drone est un 'avion piloté à distance' (APD), il y a bien des humains dans la boucle" qui décident de déclencher ou pas le tir, insiste-t-il.

Enfin, "dans le modèle choisi par la France, les équipages sont déployés sur le terrain, ils ont la tête à ça", fait valoir l'aviateur.

A l'inverse, chez l'allié américain, le pilotage des drones est assuré depuis le territoire national, en particulier depuis une base aérienne dans le Nevada.

Une configuration qui peut provoquer "des difficultés psychologiques, voire un syndrome post-traumatique chez le pilote", chargé de neutraliser des cibles tout en vivant "au quotidien en contexte de paix", avertissait en mai un rapport sénatorial français.

L'armement des drones procure "un avantage tactique énorme. Mais il y a de vraies questions éthiques qui doivent être bordées", prévient un officier français au Sahel, en se remémorant l'Afghanistan.

"Le problème, c'est l'effet de tremblement de terre médiatique que ça occasionne. In fine, il y a un effet boomerang sur le terrain", dit-il. Quand les frappes tuent des civils, elles deviennent un outil de recrutement pour l'ennemi, dénoncent régulièrement ONG et experts.

"Il y a des possibilités de méprise, mais il n'y a pas de guerre propre", juge quant à lui le ministre de la Défense du Niger, Kalla Moutari. Son pays vient d'autoriser Washington à armer ses drones basés au Niger, après la mort de quatre soldats américains et quatre militaires nigériens, dans une embuscade tendue par des jihadistes.

Avec AFP

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