Nous sommes à la gare routière Ebolowa- Akom II à plus de 155 km de Yaoundé. Le soleil s’est à peine couché que 12 passagers sont sur le point d’entamer un long et périlleux voyage.
La voiture qui les transporte vers Akom II doit normalement porter 5 passagers. Mais 7 autres parmi lesquels des femmes, sont juchés sur des bagages empilés dans l’arrière du véhicule sous la menace des intempéries.
Des passagers tous mécontents. "On va faire comment, c’est comme ça qu’on voyage, on n’a pas le choix, il y’a ceux qui tombent même de la voiture pendant le voyage", confie une passagère.
"Les Boulous de l’Océan pleurent Ahidjo, si Ahidjo avait été au pouvoir, il aurait déjà goudronné cette route de 80 km où on fait parfois deux à quatre jours de voyage", soutient Edouard, invoquant avec nostalgie le premier président du Cameroun, Ahmadou Ahidjo, un nordiste auquel a succédé Paul Biya, un Boulou.
Ni téléphone ni route
Un sexagénaire est aussi compté parmi les passagers à bord de la Toyota Hilux double cabine.
"Je vais m’assoir à l’intérieur parce que j’ai un âge avancé, mais là où je vais, je n’ai ni téléphone, ni courant électrique, ni route, regardez comment les véhicules nous portent pour aller à Akom II, ça se passe encore où dans ce Cameroun?"
Daniel, le chauffeur, est plutôt serein. Il est un habitué du tronçon surtout en saison pluvieuse.
"Comme je quitte Ebolowa à cette heure-ci 18h30, je vais arriver vers 01 h du matin, on fait entre cinq heures et 6 heures de temps, mais si la route était goudronnée on allait faire maximum 1h 30. Et là on porte 12 personnes, si je ne fais pas, qui va partir, qui va rester?", nous interroge-t-il.
"Quand nous arrivons par exemple sur les ponts défectueux, nos passagers sont obligés de descendre, ils entrent en brousse pour couper des morceaux de bois et renforcer les ponts, ils le font à main nue".
Des tronçons impraticables
A Ebolowa, l’agence de voyage Question de Temps est la seule qui dessert la localité d’Akom II au prix de 3000 francs CFA par passager.
"Nous ne gagnons rien: quelqu’un achète son véhicule ici, tu fais un voyage aller-retour tu gagnes 50.000 francs CFA, mais tu vas dépenser 60.000 à 70.000 francs au garage pour les pannes", relate Huguette Messina, caissière de l'agence.
Hormis le tronçon Akom II-Ebolowa, celui reliant Akom II à Kribi est devenu lui aussi impraticable.
"Nous dépendons du département de l’Océan donc s’il faut faire c’est à Kribi que nous devons nous ravitailler mais ça fait déjà deux mois que les voitures ne partent plus de Kribi pour Akom II, c’est pour cela que je suis obligé de venir à Ebolowa et ça nous coûte énormément cher, cette voiture m’a prise à la maison à 2 heures du matin, nous sommes arrivés à Ebolowa à 10 h", raconte une commerçante.
Mouvement d'humeur
Le 28 septembre dernier, les populations en colère ont abattu des arbres, démonté les ponts le long de la route reliant Akom II à Ebolowa. Ce mouvement d’humeur a eu comme point de départ le village Mvila. Les autorités administratives, les forces de sécurité et de défense et certains dignitaires de la région du Sud sont descendus sur le terrain pour une médiation.
"Le ministre d’Etat Jacques Fame Ndongo, a joué le rôle de médiateur, en promettant que le réseau électrique sera réhabilité parce que les jeunes étaient décidés que si leurs doléances n’étaient résolues, ils allaient maintenir leur mouvement parce qu’ils avaient déjà trop supporté", relate Jean-Paul Meba, un riverain du tronçon Ebolowa-Akom II.
Le ministre camerounais de l’Eau et de l’Energie, Gaston Eloundou Essomba, a annoncé au lendemain de ces incidents, le déblocage de 200 millions de francs CFA pour la réhabilitation du réseau électrique défectueux.
Quant à la route à goudronner entre Ebolowa-Akom II et Kribi, une source au ministère des Travaux publics rappelle qu’une entreprise italienne s’est vue confier le projet en 2020 estimé à plus de 123 milliards de francs CFA. Les travaux lancés en 2020 piétinent toujours.