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De Toumaï à l'anti-colonialisme, les "civilisations noires" entrent au musée à Dakar


Des personnes vêtues de costumes typiques accueillent les invités lors de la cérémonie d'ouverture et de l'inauguration du nouveau musée des civilisations noires, à Dakar, le 6 décembre 2018.
Des personnes vêtues de costumes typiques accueillent les invités lors de la cérémonie d'ouverture et de l'inauguration du nouveau musée des civilisations noires, à Dakar, le 6 décembre 2018.

Le crâne de "Toumaï", un fourneau à métal ancien, un sabre symbole de la résistance anti-coloniale: pour son inauguration jeudi à Dakar, le Musée des civilisations noires (MCN) célèbre l'homme noir, au moment où progresse l'idée d'une restitution à l'Afrique de son patrimoine culturel.

Pour marquer l'événement, qualifié d'"historique" par le président sénégalais Macky Sall, des spectacles de chants, de danses, de rap et de slam, mêlant tradition et modernité, hommages aux ancêtres, aux grandes figures des civilisations noires, de Martin Luther King à Thomas Sankara, ou encore aux "tirailleurs sénégalais", se sont succédé lors d'une cérémonie de plusieurs heures retransmise en direct par la télévision sénégalaise.

"Ce jour fait ressurgir en nous les précurseurs du panafricanisme et de l'identité africaine", a déclaré Macky Sall après avoir coupé le ruban et visité rapidement les vastes salles du musée, un bâtiment monumental, inspiré des cases rondes de Casamance (sud), inauguré sept ans après la pose de la première pierre par son prédécesseur, Abdoulaye Wade (2000-2012).

En fin d'après-midi, le musée, financé à hauteur de plus de 30 millions d'euros par la Chine, a ouvert ses portes au grand public.

Vieux de 7 millions d'années, le crâne du plus ancien hominidé exhumé au monde, surnommé "Toumaï", est "venu exceptionnellement du Tchad", s'est réjoui le président sénégalais, qui s'exprimait devant des centaines d'invités.

Ce vestige exceptionnel cohabite avec d'autres créations de l'homme noir ou de témoins de sa présence dans le processus de l'évolution humaine: outils en pierre, mégalithes datant de plus de 1.700 ans, hiéroglyphes égyptiens, masques rituels et même œuvres d'artistes contemporains, telles une création du plasticien malien Abdoulaye Konaté intitulée "Non au jihad à Tombouctou".

Un fourneau ancien ayant servi à produire du fer est exposé à côté d'un sabre ramené de France et attribué à un résistant anti-colonial et chef jihadiste ouest-africain du XIXe siècle, El Hadji Omar Tall.

"Nous sommes dans la continuité de l'Histoire. A travers les âges, l'Afrique a inventé, façonné et transformé, participant ainsi sans arrêt au flux des innovations. Notre devoir est de rester les sentinelles vigilantes de l'héritage des Anciens", a poursuivi M. Sall.

'Dialogue des cultures'

Le MCN "est un instrument au service du dialogue des cultures, un réceptacle bouillant et bouillonnant de l'interculturalité pour un nouveau regard sur l'Afrique et sa diaspora, qui reconnaît notre part dans la grande aventure humaine", a relevé Macky Sall.

Cette inauguration intervient alors qu'un rapport remis fin novembre au président français Emmanuel Macron, rédigé par deux universitaires la Française Bénédicte Savoy et le Sénégalais Felwine Sarr, préconise de faciliter les restitutions d'œuvres aux anciennes colonies.

Le chef de l'Etat sénégalais a dit espérer que ce rapport "ouvre la voie à un dialogue serein et apaisé sur le rapatriement du patrimoine africain", tandis que son homologue comorien, Azali Assoumani, seul chef d'Etat étranger ayant fait le déplacement, saluait "le souhait du président Emmanuel Macron de rendre à l'Afrique son patrimoine".

A l'image du MCN, la réhabilitation ou la construction de musées modernes à travers l'Afrique bat en brèche l'argument du manque d'infrastructures adaptées, souvent opposé aux demandes de restitution, que des pays comme la France affirment vouloir faciliter.

Le musée national de Côte d'Ivoire, à Abidjan, "est à même de récupérer et d'accueillir ces différentes œuvres quand elles seront de retour", a souligné récemment le porte-parole du gouvernement ivoirien, Sidi Touré, alors que Bénin prévoit d'ouvrir d'ici 2020 quatre musées modernes dans des villes historiques.

Le nouvel établissement dakarois "revendique le statut de musée moderne" où "l'on peut maîtriser la température et l'humidité dans chacune des salles", avait souligné à cet égard son directeur, Hamady Bocoum, quelques jours avant l'ouverture.

D'une surface de 14.000 m2, le Musée des civilisations noires peut accueillir 18.000 pièces. Il devra être "non pas un espace de nostalgie mais un creuset de la créativité, une fabrique de l'estime de soi", a souligné jeudi le président son comité scientifique, le recteur de l'Université Cheikh-Anta-Diop de Dakar, Ibrahima Thioub.

L'idée d'un musée des civilisations noires avait été lancée par le poète Léopold Sédar Senghor, premier président sénégalais (1960-1980), lors du premier Festival mondial des arts nègres en 1966 à Dakar.

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