Incarnation, avec son ancien mari, de la lutte de "libération" du pays contre la ségrégation raciale, Winnie Mandela est décédée lundi à 81 ans à Johannesburg des suites "d'une longue maladie".
Pour la deuxième journée consécutive, célébrités et anonymes se sont succédé mardi devant sa modeste maison en briques rouges du township de Soweto pour présenter leurs condoléances.
Quelques heures après l'annonce de sa mort, le président sud-africain et du Congrès national africain (ANC, au pouvoir) Cyril Ramaphosa avait ouvert le défilé en venant saluer une "voix du défi et de la résistance".
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Un hommage officiel et national doit lui être rendu le 14 avril dans un stade près de Soweto.
Le trublion de la gauche radicale, Julius Malema, lui a emboîté le pas mardi, escorté de centaines de militants aux couleurs rouges de son parti, les Combattants pour la liberté économique (EFF).
"Parce que Mama (Winnie) vivait au milieu de son peuple et parce qu'elle ne la jamais trahi, ils lui ont donné le titre de Mère de la Nation", a-t-il lancé à ses partisans, "c'est ce que nous sommes venus célébrer ici, la vie de quelqu'un qui n'a jamais pris de haut les Noirs et les masses pauvres".
L'ex-archevêque anglican sud-africain Desmond Tutu a salué la mémoire de Winnie Mandela, estimant qu'elle avait été un "symbole majeur" de la lutte contre l'apartheid.
"Winnie Madikizela-Mandela a été pendant de nombreuses années un symbole majeur du combat contre l'apartheid", a déclaré le prix Nobel de la Paix dans un communiqué.
"Elle a refusé de céder face à l'incarcération de son mari, au harcèlement perpétuel de sa famille par les forces de sécurité, aux détentions, aux interdictions et à son bannissement. Son attitude de défi m'a profondément inspiré, ainsi que des générations de militants", a-t-il ajouté.
"Puisse-t-elle reposer en paix et s'élever vers la gloire", a conclu lundi l'ancien archevêque du Cap dans son message de condoléances à sa famille.
'Peur d'elle'
Malema, devenu ces dernières années le confident de Winnie Mandela, a également répondu à tous ceux qui ont, à l'annonce de son décès, rappelé que son image avait été ternie par ses positions radicales et ses appels à la violence.
"Ils avaient peur d'elle. Même après sa mort ils ont peur d'elle et c'est pour ça qu'ils continuent de l'insulter, c'est pour ça qu'ils continuent de la présenter sous un jour que nous ne connaissons pas", a-t-il déploré, "mais les masses connaissent la vérité."
Dans son discours le plus controversé, en 1986, Winnie Mandela avait appelé à "libérer le pays avec des allumettes", une référence au supplice du "collier" enflammé autour du cou des "traîtres".
Winnie s'était aussi entourée d'un groupe de jeunes hommes qui formaient sa garde rapprochée, le "Mandela United Football Club", dont les méthodes musclées défrayaient la chronique.
En 1991, elle est condamnée à six ans de prison pour complicité dans l'enlèvement et le meurtre d'un jeune militant de l'ANC, Stompie Seipei. Sa peine est commuée en simple amende.
'Leçons de sa vie'
La photo des ex-époux, main dans la main à la sortie de prison de Nelson Mandela en 1990, qui symbolisait leur victoire contre l'apartheid, appartient désormais au passé. A sa mort en 2013, Nelson Mandela, entre temps remarié avec Graça Machel, ne lui a rien légué. Winnie a porté l'affaire devant la justice, en vain.
Haut responsable de l'ANC et ministre du gouvernement, Zweli Mkhize a célébré mardi une Winnie consensuelle.
"Nous perdons les derniers combattants de la liberté de la première heure et je crois que ce que nous devons faire, c'est de retenir les leçons de sa vie", a-t-il dit devant la presse après avoir rendu visite à la famille de la défunte.
"Quand elle faisait face au gouvernrment de l'apartheid, elle n'avait pas peur", a souligné M. Mkhize, "et même entre nous, elle n'a jamais hésité à critiquer ce qui ne marchait pas".
La ligue des femmes de l'ANC, que Winnie Mandela a dirigé dans le passé, devait lui rendre hommage mercredi en organisant une marche jusqu'à son domicile.
Une de ses dernières apparitions publiques remonte à la dernière conférence de l'ANC en décembre à Johannesburg, où elle avait été saluée par des applaudissements nourris.
Quelques semaines plus tard, elle était hospitalisée pour une infection rénale. Elle en était sortie une dizaine de jours plus tard, avant d'y être de nouveau admise le week-end dernier.
Son discours violent et les accusations de meurtre portées contre ses gardes du corps l'avaient éloigné de son époux.
Nelson Mandela est devenu en 1994 le premier président noir de l'Afrique du Sud. Leur divorce a été prononcé deux ans plus tard.
Avec AFP