Pressés par l'ultimatum de Donald Trump, qui annonce sa décision mardi, les Européens doivent renégocier un texte plus large, qui comprendrait un arrêt des activités balistiques, considérées comme une menace pour la stabilité régionale. Mais Téhéran refuse de changer une virgule d'un document qu'il respecte depuis sa signature en juillet 2015.
Programme bridé
L'accord a bridé le programme nucléaire iranien pour au moins 10 ans. Le nombre de centrifugeuses utilisées pour la recherche-développement est bloqué jusqu'en 2025, les activités d'enrichissement d'uranium sont limitées jusqu'en 2030, les inspections indépendantes sont assurées jusqu'en 2040. Mais Washington veut pérenniser ces interdictions, estimant que l'accord actuel ne fait que remettre le problème à plus tard". Et le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu assure que Téhéran continue en secret à développer ses capacités nucléaires militaires.
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"Il est totalement irréaliste de croire que l'Iran acceptera des limites éternelles sur sa souveraineté", estime l'International Crisis Group (ICG) dans un récent rapport, citant un responsable français non identifié.
Pour Dalia Dassa Kaye, spécialiste du Moyen-Orient pour le centre de réflexion Rand, l'Iran pourrait toutefois "engager des discussions préliminaires si les puissances européennes présentaient un volet économique intéressant". La République islamique, confrontée à une grave crise financière, attend encore les retombées économiques de l'accord.
Le programme balistique
Washington veut s'attaquer au programme de missiles balistiques de l'Iran, jugé "néfaste" pour la stabilité et la sécurité dans la région, et qui s'est développé malgré des embargos de l'ONU. Pour les Nations unies, Téhéran ne doit pas développer de missiles qui pourraient emporter une tête nucléaire.
L'Iran, qui s'estime menacé par les bases régionales américaines et par les arsenaux de ses voisins, affirme que ses missiles sont purement "défensifs" et "pas destinés à des armes de destruction massive".
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Téhéran considère que ses missiles ne font pas partie de l'accord nucléaire, et ce dossier apparaît comme non-négociable. Mais Israël, à portée de tir, voit ce programme comme une menace pour son existence.
Pour Téhéran, "c'est un élément essentiel de la défense nationale (et) cela devrait être l'un des dossiers les plus difficiles à limiter", estime Dalia Dassa Kaye. "Les discussions devront se concentrer sur des mesures de confiance, comme la limitation des essais de missile et de leur portée".
L'influence iranienne
Elle est au coeur des inquiétudes occidentales. Washington répète que les ambitions hégémoniques iraniennes violent "l'esprit" du pacte de 2015 et dénonce son rôle déstabilisateur.
Washington reproche le "soutien matériel et financier" de Téhéran "au terrorisme et à l'extrémisme", en référence au Hezbollah libanais, le principal mouvement armé du pays.
En Irak comme en Syrie, où Téhéran appuie depuis 2011 le régime de Bachar al-Assad, l'Iran assure agir au nom de sa sécurité nationale contre les djihadistes du groupe Etat islamique (EI).
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Au Yémen, autre conflit régional majeur, il soutient les rebelles houthis pour affaiblir l'Arabie saoudite, le grand rival. Selon des experts de l'ONU, l'Iran a violé l'embargo sur les armes en laissant les Houthis s'approvisionner en drones et missiles balistiques pour frapper l'Arabie saoudite.
Enfin, l'Iran est à la pointe de la "résistance" face à Israël, puissance nucléaire non-déclarée qu'il considère comme une menace régionale.
Pour l'ICG, Téhéran a longtemps suivi une doctrine de guerre "par procuration" en utilisant des Etats faibles - le Liban contre Israël, l'Irak contre les Etats-Unis, le Yémen contre l'Arabie - et "aussi longtemps que l'Iran poursuit cette doctrine, défensive à l'origine, et considérée par d'autres comme agressive, les tensions et la perspective d'un affrontement militaire direct persisteront".
"Il sera difficile de contenir l'influence iranienne dans la région, mais l'Iran n'est pas invincible", objecte Mme Kaye, évoquant le nationalisme irakien comme repoussoir à l'influence iranienne.
En Syrie, la Russie pourrait être le plus grand espoir de limiter la présence iranienne, au moins dans le sud, pour éviter une escalade avec Israël. Quant au Yémen, le meilleur moyen de contenir l'Iran reste un règlement politique et un arrêt de l'intervention saoudienne, selon elle.
Avec AFP