Dans un stade de Lusaka aux gradins encore clairsemés, le cercueil du premier président zambien enveloppé dans un drapeau, est arrivé en milieu de matinée, tiré par un véhicule militaire.
Un peu plus loin, des militaires en treillis ont dansé sur une musique solennelle et entonné des chants funèbres. Au fond de la scène, un portrait en noir et blanc de l'ancien président, sur une toile.
Surnommé le "Gandhi africain", Kenneth Kaunda avait réussi à défaire l'ancienne Rhodésie du Nord de la tutelle britannique en 1964, sans effusion de sang.
Il est "mort paisiblement" dans le début de l'après-midi du 17 juin, dans l'hôpital militaire de la capitale zambienne où il avait été admis pour une pneumonie.
Aux abords du stade, des chauffeurs de taxi roulaient vendredi les phares allumés. "Nous avons décidé de conduire avec nos lumières en signe de deuil pour le Dr Kaunda. Une perte immense pour la Zambie mais aussi pour le monde", a déclaré à l'AFP Lazarus Daka, 37 ans.
La Zambie et des pays voisins ont déclaré plusieurs jours de deuil national et mis les drapeaux en berne. Le corps de l'ancien président a été transporté près de la population à travers le pays.
Plusieurs dignitaires étrangers sont attendus à Lusaka pour l'hommage national, dont le ministre britannique pour l'Afrique, James Duddridge, le président sud-africain Cyril Ramaphosa, le Kényan Uhuru Kenyatta ou encore le Ghanéen Nana Akufo-Addo.
"Humaniste"
Né le 28 avril 1924 dans la mission de Lubwa (Nord-Est) de parents malawites, "KK" était considéré à la fin de sa vie comme un sage sur le continent africain, même si ses opposants avaient vu en lui un autocrate ayant ruiné son pays.
Au pouvoir pendant 27 ans, son long règne a été en grande partie placé sous un régime de parti unique.
Se réclamant du socialisme et proche de Moscou, il a collectivisé des fermes et nationalisé les riches mines de cuivre et d'autres secteurs-clefs, au grand dam des propriétaires étrangers. Mais la mauvaise gestion, les dettes et la chute des cours du cuivre ont fini par mettre en échec la "zambianisation" du petit pays enclavé d'Afrique australe et provoquer une grave crise économique et sociale.
Se décrivant lui-même comme "un humaniste chrétien", Kenneth Kaunda fut l'un des plus fermes opposants au régime raciste d'apartheid en Afrique du sud et a offert une solide base arrière au Congrès national africain (ANC) de Nelson Mandela, qui organisait depuis Lusaka la lutte armée contre le pouvoir blanc.
Il a aussi apporté aussi un soutien actif aux luttes de libération dans toute l'Afrique australe.
En 1990, de violentes émeutes, sur fond d'autoritarisme croissant, l'obligent à se résigner au multipartisme. Il perdra les premières élections démocratiques en 1991, face au syndicaliste Frederick Chiluba. "C'est ça le multipartisme, un jour on gagne des élections, un jour on en perd, ça n'est pas la fin du monde ", avait-il dit à la télévision, au lendemain de sa défaite.