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Des escrocs s'étant fait passer pour un ministre lourdement condamnés en France


Le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, pendant une réunion du Conseil de coopération franco-russe à Moscou, le 9 septembre 2019.
Le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, pendant une réunion du Conseil de coopération franco-russe à Moscou, le 9 septembre 2019.

Ils se faisaient passer pour le ministre français Jean-Yves le Drian auprès de riches personnalités, et ont empoché des dizaines de millions d'euros: deux hommes ont été condamnés mercredi à sept et onze ans de prison par le tribunal correctionnel de Paris.

Gilbert Chikli, 54 ans, a écopé de la peine la plus lourde, assortie d'une amende de deux millions d'euros. "C'est un scandale !", a-t-il réagi dans le box.

A ses côtés, Anthony Lasarevitsch, 35 ans, qui s'est vu infliger une amende d'un million d'euros en plus de la prison, est resté silencieux.

Le tribunal a considéré que ces deux hommes, qui clament vigoureusement leur innocence, étaient bien les escrocs qui avaient empoché 55 millions d'euros en endossant l'habit du ministre entre 2015 et 2017.

L'arnaque consistait à appeler des chefs d'Etat, grands patrons ou présidents d'ONG en se présentant comme Jean-Yves Le Drian, alors ministre de la Défense et aujourd'hui ministre des Affaires étrangères.

Le "faux Le Drian" leur demandait, en urgence, une aide financière pour des opérations secrètes de l'Etat français - lutte contre le terrorisme ou libération d'otages en Syrie - tout en promettant un remboursement immédiat.

Dans certains cas, les escrocs sont allés jusqu'à organiser des vidéoconférences, enfilant un masque aux traits du ministre, derrière un bureau soi-disant installé dans le sous-sol de l'Hôtel de Brienne, alors siège du ministère.

Les enquêteurs ont listé plus de 150 personnes et organisations contactées: le roi du Maroc, le président du Gabon, les patrons de Total et de Vinci, la fondation Apprentis d'Auteuil ou encore l'archevêque de Paris.

Un mois après le procès, le tribunal a rendu sa décision mercredi en restant en-deçà des réquisitions de la procureure, qui avait demandé dix et quatorze ans de prison pour ce "duo", selon elle indissociable dans l'arnaque.

- "peines vertigineuses" -

Gilbert Chikli est connu de la justice française comme un pionnier de l'escroquerie dite au "faux président", selon laquelle un usurpateur se fait passer au téléphone pour un patron auprès de ses salariés, dans le but de se faire transférer de l'argent.

En 2015, il a été condamné à sept ans de prison alors qu'il était en fuite en Israël. Son histoire a inspiré un film sorti la même année ("Je compte sur vous" de Pascal Elbé).

Deux ans plus tard, il a été interpellé en Ukraine avec Anthony Lasarevitsch. L'enquête a montré qu'ils préparaient une autre escroquerie consistant, cette fois, à usurper l'identité d'Albert II de Monaco - le tribunal les a aussi condamnés pour ces faits.

Cinq autres hommes, âgés de 27 à 49 ans, étaient poursuivis pour avoir ouvert des comptes avec des faux papiers ou transporté de l'argent. L'un d'entre eux a été relaxé et les quatre autres condamnés à des peines allant de 15 mois avec sursis à cinq ans de prison.

Les avocats des deux principaux prévenus ont indiqué qu'ils réfléchissaient à faire appel.

"Ce sont des peines vertigineuses", a estimé Me David-Olivier Kaminski, avocat de M. Lasarevitsch. "Le tribunal s'attache plus à donner un signal totalement disproportionné en matière financière que de rechercher la peine juste".

Au contraire, l'avocate du ministre et de ses collaborateurs a qualifié la décision de "satisfaisante". "C'est un signal pour la société (soulignant) que c'est extrêmement grave et qu'on est lourdement condamné quand on se fait passer pour un ministre, dans un contexte extrêmement sensible de terrorisme", a déclaré Me Delphine Meillet.

Le tribunal a aussi condamné les prévenus à verser des dommages et intérêts aux principales victimes: 44 millions d'euros à l'homme d'affaires turc Inan Kirac et 10,6 millions à l'Aga Khan, chef spirituel des musulmans chiites ismaéliens.

"Il a été reconnu qu'il avait été victime à hauteur des montants demandés", s'est félicité son conseil, Me Bruno Quentin.

Les sommes, virées sur des comptes notamment en Pologne et en Chine, n'ont pas été retrouvées. Sur ce point, une instruction est toujours ouverte.

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