"Il y a ici 81 déplacés: 24 femmes, 38 enfants et 19 hommes. Vous voyez, ils vivent de manière précaire", a expliqué à l'AFP Oumou Touré, une bénévole venue porter assistance à ces Peuls arrivés mercredi à Dialakorobougou, à une dizaine de kilomètres de la capitale malienne.
"Moi, j'ai été obligé de fuir Koprepen", l'un des deux villages d'où proviennent les réfugiés, dans la région de Koro, à plus de 700 kilomètres au nord-est de Bamako, explique un homme s'exprimant en langue peule.
Dans une cour bordée de murs en parpaings et écrasée de chaleur, des femmes en boubous multicolores, foulards noués sur la tête, sont assises à côté d'un grand bidon d'eau en plastique bleu.
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Deux membres de l'association peule Tabital Pulaaku Mali préparent le repas dans de grandes marmites posées à même le feu.
"Le fils du chef de village a été tué et son premier garçon a été blessé, les balles l'ont atteint au cou. Mon frère jumeau a été tué aussi. Un vieux de 70 ans a été tué", raconte Moussa Barry.
"Une fois qu'ils ont tué les trois personnes, on a fui et ils ont mis le feu au reste. Ils ont aussi volé notre bétail. On est parti dans le village de Coumbawouro. Le chef de village et le maire nous ont dit d'aller à Bamako", ajoute-t-il.
Les assaillants "portaient les tenues traditionnelles des chasseurs dozos", une confrérie traditionnelle présente au-delà des frontières du Mali, notamment en Côte d'Ivoire. Les dozos ne sont pas tous dogons, mais dans le centre du Mali, c'est bien le cas.
Les violences se multiplient depuis deux ans dans le centre du Mali entre Peuls, traditionnellement éleveurs, et les ethnies bambara et dogon, pratiquant majoritairement l'agriculture.
Fin mars, l'ONU s'est dite "préoccupée par l'ampleur des violences intercommunautaires" dans le centre, évoquant un bilan d'"au moins une cinquantaine de morts".
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"Lorsque les chasseurs arrivent, ils tuent les animaux, ils tuent les hommes et les dépècent comme ils dépècent les animaux", affirme une réfugiée du village de Youdjou.
En visite dans le centre, le Premier ministre Soumeylou Boubeye Maïga a réitéré fin mars les engagements du gouvernement à "faire toute la lumière sur les violations et abus graves des droits de l'homme et à traduire en justice leurs auteurs".
La communauté peule accuse régulièrement les autorités de tolérer, voire d'encourager, les exactions de groupes de chasseurs traditionnels à son encontre, au nom de la lutte contre les jihadistes, ce que démentent catégoriquement les représentants de l'Etat.
"C'est sûr que parmi les jihadistes, il y a des peuls, mais tous les peuls ne sont pas jihadistes et tous les +chasseurs+ ne sont pas dogons", souligne l'universitaire malien Moussa Coulibaly.
A la mi-avril, le maire de Koporona, à 32 km de la ville de Koro, Etienne Poudiougou, a ordonné à "tous les peuls" de quitter sa commune dans les 48 heures. Il sera "bientôt entendu par les enquêteurs", a déclaré une source judiciaire à l'AFP.
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La communauté peule dénonce également des exactions dans la région de Menaka, frontalière avec le Niger, où des attaques récentes contre des civils ont fait près de 50 morts selon l'ONU.
Les circonstances de ces tueries restent floues, dans une zone où des affrontements opposent des jihadistes liés à l'organisation Etat islamique à la force française Barkhane et à l'armée malienne, parfois appuyées par deux groupes armés principalement touareg.
Vendredi, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a exhorté tous les acteurs de la région de Menaka à "tout entreprendre afin d'épargner les communautés qui y vivent".
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"Les actes de violences intercommunautaires ne sont pas rares dans cette région, notamment en cette période de l'année en raison des aléas climatiques qui rendent difficile l'accès à l'eau et aux pâturages. Ce qui est inhabituel, c'est l'ampleur de ces violences, le nombre de morts, de blessés et des gens qui ont fui", souligne la Croix-Rouge.
Avec AFP