"C'était le seul endroit où nous pouvions aller", explique Shadiya à l'AFP dans le camp d'El-Nimir, dans l'Etat soudanais du Darfour-Est, ouvert récemment pour accueillir les centaines de réfugiés sud-soudanais qui rallient le Soudan chaque jour.
Shadiya, 40 ans, était parmi la foule qui s'est rassemblée mardi dans le camp pour la Journée mondiale des Réfugiés, en présence du chargé d'affaires américain Steven Koutsis, actuellement en visite au Darfour.
Au cours des trois derniers jours, M. Koutsis a parcouru de vastes étendues de cette région de la taille de la France pour y évaluer la sécurité avant que le président Donald Trump ne décide le mois prochain de lever ou non de façon permanente un embargo commercial vieux de 20 ans sur le Soudan.
Mais pour de nombreux réfugiés sud-soudanais comme Shadiya, le Darfour est un endroit sûr.
"Nous sommes en paix et en sécurité ici. Là-bas, nous vivions dans la peur, désormais nous ne craignons plus rien", assure-t-elle.
Le Darfour est en proie à un conflit sanglant depuis 2003, quand des insurgés issus de minorités ethniques ont pris les armes contre le pouvoir majoritairement arabe d'Omar el-Béchir, qui y a lancé une contre-insurrection meurtrière.
Au moins 300.000 personnes ont été tuées et 2,5 millions déplacées par le conflit, selon l'ONU. Les combats ont baissé en intensité ces dernières années.
Viols et massacres
Plusieurs réfugiés auxquels l'AFP a parlé au camp d'El-Nimir affirment que leurs difficultés y sont mineures par rapport aux traumatismes qu'ils ont connus dans leur pays.
Shadiya a fui en janvier sa maison à Raja, une ville du Sud-Soudan, après que son père eut été tué dans les combats entre les forces du président Salva Kiir et de son ancien vice-président Riek Machar.
Cette guerre civile, qui a éclaté deux ans après l'indépendance du Soudan du Sud en 2011, a vu des massacres ethniques, des attaques contre des civils, des viols généralisés et d'autres violations des droits de l'Homme.
"Les femmes ont le plus souffert de la guerre", estime Shadiya. "Nous avons perdu nos maris et nos pères. On nous a violées et laissé mourir de faim."
Quelque 400.000 Sud-Soudanais ont rejoint le Soudan depuis que la guerre a éclaté, selon le HCR. La moitié d'entre eux vit sur 10 camps au Soudan, le reste étant dispersé dans des villes.
Le nombre croissant de réfugiés menace encore davantage les ressources du Soudan, jugent des responsables soudanais et les chefs tribaux.
"La pression s'accentue particulièrement sur le secteur de la santé", a souligné Mohamed Mussa Madibu, chef de la puissante tribu soudanaise Rizeigat, lors d'une réunion avec M. Koutsis.
"Nous espérons que la coopération du gouvernement soudanais se poursuivra jusqu'à ce que les réfugiés puissent rentrer chez eux en toute sécurité", a déclaré M. Koutsis.
'Je veux étudier'
Ouvert en avril, le camp d'El-Nimir abrite plus de 5.000 réfugiés dans un vaste espace ouvert à une quinzaine de km à l'est d'Ed-Daien, la capitale du Darfour-Est.
Une longue route boueuse relie Ed-Daien au camp, où on peut voir des réfugiés - principalement des femmes - vivant dans des cabanes en chaume et des enfants en train de jouer.
Malgré le soleil brûlant de la mi-journée, des groupes d'enfants et de femmes se prêtent à des danses traditionnelles à l'occasion de la Journée mondiale des Réfugiés.
Les responsables du HCR ont indiqué qu'un hôpital était déjà en construction dans le camp, alors que des plans en cours de finalisation prévoient l'ouverture de deux écoles.
"Ce n'est pas facile de vivre dans un camp lorsque vous avez déjà eu une maison", relève Houda, 12 ans, qui a également fui Raja avec sa famille.
"Mais nous sommes en sécurité ici. Ce que je voudrais, c'est une école parce que je veux étudier. Quand je serai grande, je veux devenir une voix puissante de mon peuple".
Avec AFP