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L'Afrique du Sud devant la CPI pour avoir refusé d'arrêter Omar el-Béchir


Omar el-Béchir, à Khartoum, le 1er mai 2010.
Omar el-Béchir, à Khartoum, le 1er mai 2010.

L'Afrique du Sud devrait exposer vendredi les raisons de son refus en 2015 d'arrêter sur son sol le président soudanais Omar el-Béchir, poursuivi pour génocide, lors d'une audience devant la Cour pénale internationale (CPI), qui pourrait décider de renvoyer l'affaire devant l'ONU.

Au coeur des débats: la décision de Pretoria de laisser M. Béchir reprendre son avion depuis une base militaire sans être inquiété après sa participation à un sommet de l'Union africaine à la mi-juin 2015 à Johannesburg.

Les juges évalueront après cette audience d'une journée à La Haye si l'Afrique du Sud a manqué à ses obligations en ne procédant pas à l'arrestation d'Omar el-Béchir et à sa remise à la Cour, alors que Pretoria est signataire du Statut de Rome, traité fondateur de la CPI.

En 2005, le Conseil de Sécurité de l'ONU avait demandé à la CPI d'enquêter sur les crimes au Darfour, province à l'ouest du Soudan en proie depuis plus de dix ans à une guerre civile qui a fait 330.000 morts, d'après les chiffres de l'ONU.

Jamais inquiété depuis lors, l'actuel chef d'Etat soudanais fait l'objet de deux mandats d'arrêts internationaux délivrés par la Cour en 2009 et 2010 pour génocide, crimes contre l'humanité et crimes de guerre commis entre 2003 et 2008. Il nie fermement ces accusations.

Immunité diplomatique

Dans les documents remis à la CPI, Pretoria assure que "les circonstances dans lesquelles l'Afrique du Sud se trouvait et la loi applicable n'étaient pas aussi claires et nettes que la Chambre a tendance à le croire".

Car l'Etat s'est retrouvé face à un dilemme, insiste-t-il: entre le respect de la requête de la CPI en procédant à l'arrestation d'Omar el-Béchir et sa propre juridiction locale qui garantit l'immunité présidentielle et interdit donc une telle interpellation.

Pourtant, Pretoria avait déjà affirmé par le passé que le président soudanais serait interpellé s'il posait le pied dans le pays, a rétorqué l'accusation.

"L'Afrique du Sud restait dans l'obligation d'arrêter immédiatement Béchir s'il entrait sur le territoire sud-africain", a indiqué la procureure Fatou Bensouda dans un document remis à la CPI.

"Vu les circonstances, il est approprié que la Chambre renvoie l'Afrique du Sud" devant le Conseil de sécurité de l'ONU pour d'éventuelles mesures supplémentaires, a-t-elle précisé.

'Conduite scandaleuse'

Même si le Conseil de sécurité des Nations Unies a le pouvoir d'imposer des sanctions, une telle démarche ne devrait pas mener à bien plus qu'à une petite tape sur les doigts, d'après les experts.

"Ce n'est pas la première fois qu'un Etat membre n'arrête pas Béchir et est signalé", a expliqué Goran Sluiter, professeur de droit international à l'Université d'Amsterdam.

"Malheureusement, je dois souligner qu'aucun de ces pays n'a connu de véritable répercussion", a-t-il constaté.

La CPI ne dispose pas d'une force de police pour interpeller les suspects recherchés et dépend ainsi de ses Etats membres pour exécuter de telles tâches.

L'année dernière, l'instance judiciaire a rapporté le Tchad, Djibouti et l'Ouganda devant l'ONU pour avoir accueilli Omar el-Béchir sans l'arrêter.

"Le Conseil doit encore agir pour donner des répercussions à ces décisions", a précisé Mme Bensouda dans son dernier rapport auprès du Conseil de sécurité en décembre.

Saisie du dossier Béchir, la Cour suprême d'appel sud-africaine avait condamné la passivité du gouvernement vis-à-vis du chef d'Etat soudanais, la qualifiant de "conduite scandaleuse".

La semaine dernière, M. Béchir a assisté librement au sommet de la Ligue arabe en Jordanie malgré les appels des groupes de défense des droits de l'Homme à l'arrêter.

En février, la lettre de retrait de la CPI envoyée à l'ONU en octobre a été jugée "inconstitutionnelle et invalide" par un juge sud-africain saisi par l'opposition. La décision de quitter la Cour avait été prise en guise de protestation après la vive polémique suscitée par l'incident Béchir.

Fondée en 2002 pour poursuivre les auteurs présumés de génocides, crimes contre l'humanité et crimes de guerre, la CPI est accusée de "persécution envers les Africains" par plusieurs pays du continent, où ses magistrats ont ouvert neuf de leurs dix enquêtes.

Avec AFP

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