"Peut-être que tous les talibans ne viendront pas d'un coup, ce serait aller trop loin, mais certains éléments parmi eux sont clairement intéressés par des discussions avec le gouvernement afghan", a commenté Jim Mattis dans l'avion militaire qui l'amenait en Afghanistan.
"Dans chacun de nos secteurs, il y a des groupes de dix ou vingt (rebelles) qui viennent nous voir et qui ne veulent plus faire partie des talibans", a confirmé à la presse le général Michael Fenzel, le directeur de la mission de l'Otan en Afghanistan.
Ashraf Ghani a proposé fin février des pourparlers de paix sous conditions aux talibans, qui jusqu'ici n'avaient pas semblé prêts à les accepter. Dans une première réaction sur Twitter, ils avaient estimé que cette offre s'apparentait à une demande de "reddition".
Les insurgés ont ensuite appelé au boycott d'une conférence dans ce cadre à Jakarta. Le gouvernement afghan est "illégitime" et ses propositions de paix "décevantes", peut-on encore lire dans un communiqué diffusé en fin de semaine dernière.
Le chef de l'Etat afghan avait notamment posé comme préalable aux talibans un cessez-le-feu et la reconnaissance de la Constitution de 2004. Il leur avait en échange proposé de les reconnaître en tant que un parti politique, ainsi que d'assurer la sécurité de ceux qui accepteraient son offre.
Les rebelles, qui qualifient le gouvernement afghan de "marionnette" de Washington, avaient peu auparavant appelé les Etats-Unis à "discuter" directement avec leurs représentants au Qatar, ignorant les autorités afghanes.
Grâce au processus de paix, "nous nous dirigeons vers une victoire en Afghanistan", s'est enthousiasmé Jim Mattis. "La victoire sera une réconciliation politique", "pas une victoire militaire", a-t-il ajouté.
Jim Mattis avait lui-même reconnu en juin dernier que les Etats-Unis "ne gagnaient pas" contre les talibans. Fin novembre, le commandant des forces américaines en Afghanistan, le général John Nicholson, avait qualifié la situation d'"impasse".
Une agence gouvernementale américaine évaluait en octobre à 43% la partie du territoire désormais sous contrôle taliban ou disputée par les insurgés aux forces régulières.
L'an passé, le président Donald Trump a ordonné d'intensifier les bombardements sur ces rebelles, notamment sur leurs laboratoires de production de drogue et leurs camps d'entraînement.
Plus de 3.000 militaires américains supplémentaires sont arrivés ces derniers mois en Afghanistan pour former et conseiller les forces de sécurité afghanes, portant leur nombre total à 14.000, contre 8.500 à la fin du mandat de Barack Obama.
La stratégie de Donald Trump a "changé la donne", a observé Ashraf Ghani au cours d'un entretien avec Jim Mattis au palais présidentiel, auquel participaient également le chef de l'exécutif Abdullah Abdullah et le ministre de la Défense Tariq Shah Bahrami.
"Cela a forcé chacun des acteurs à réexaminer ses hypothèses de départ. Une partie de ce réexamen conduira vraisemblablement à une intensification du conflit à court terme, mais ce réexamen est ce que le peuple d'Afghanistan attendait depuis quarante ans", a-t-il ajouté.
L'offre de pourparlers de paix du président Ghani intervient dans un contexte de hausse continue du nombre des attentats perpétrés par les talibans ces derniers mois en réponse à la stratégie du président américain et faisant de plus en plus de victimes civiles.
Les talibans ont revendiqué 472 attaques au cours du seul mois de janvier, selon le groupe de recherche sur le terrorisme TRAC, dont le siège est à Washington. Un chiffre significatif sachant que la saison des combats commence généralement à la fin de l'hiver.
Les forces de sécurité afghanes ont stoppé certaines attaques, s'est félicité Jim Mattis, qui attend toutefois d'elles "un état d'esprit (plus) offensif" ces prochains mois.
D'après lui, le Pakistan a changé d'attitude après que Donald Trump a lourdement accusé Islamabad d'héberger des talibans afghans sur son territoire.
"Il y a des opérations de l'armée pakistanaise qui nous aident en ce moment-même, à l'heure où je vous parle", a-t-il affirmé.
Avec AFP