"Si les éléments de la tragédie française qui se mettent en place devaient conduire à son élection, je me placerais en réserve de toute fonction diplomatique", écrit l'ambassadeur Thierry Dana dans une tribune au quotidien Le Monde daté de jeudi.
Interrogé par la presse à l'issue du conseil des ministres, le porte-parole du gouvernement Stéphane Le Foll a estimé que "ce n'est pas le rôle d'un ambassadeur" de s'exprimer ainsi.
Pour autant, a-t-il poursuivi, "c'est une position qu'il exprime", rappelant que les fonctionnaires bénéficiaient du "droit de retrait".
S'adressant à celle qui figure en tête des intentions de vote actuelles au premier tour, le 23 avril, le diplomate insiste : "La France est conquérante et vous voulez en faire un pré carré. La France est généreuse et vous voulez en faire une boutique repliée sur elle-même. La France est créative et votre vision sent le rance".
La dirigeante du parti Front national est donnée battue au second tour le 7 mai mais de nombreuses voix s'inquiètent de l'issue incertaine de cette élection dans une campagne déjà marquée par de nombreux coups de théâtre.
Thierry Dana, qui doit recevoir une nouvelle affectation (non précisée) à l'été, ajoute qu'il y renoncera alors, "la mort dans l'âme", "plutôt que de servir la diplomatie du Front national".
L'ambassadeur est l'un des tout premiers à s'exprimer publiquement de la sorte. "Très beau texte de mon homologue à Tokyo", a twitté en réaction l'ambassadeur de France à Washington, Gérard Araud.
En coulisse, un certain nombre de diplomates s'interrogent aussi. L'un d'eux expliquait récemment qu'il se poserait de "vraies questions" si Marine Le Pen était élue, et qu'il n'était "pas du tout certain" de pouvoir servir sous un gouvernement d'extrême droite.
Thierry Dana, 60 ans, ambassadeur à Tokyo depuis 2014, est un spécialiste des questions asiatiques. Il a été consul à Hong Kong, conseiller du président de droite Jacques Chirac sur les dossiers asiatiques et stratégiques de 1998 à 2002 et directeur de l'Asie et de l'Océanie au ministère des Affaires étrangères de 2002 à 2005.
En mai 2005, il avait demandé une disponibilité pour créer une entreprise de conseil aux entreprises françaises dans leur stratégie d'expansion internationale et aux investisseurs étrangers en France.