A 76 ans, l'ancien rebelle marxiste, usé par la maladie, a pris samedi sa retraite politique définitive en cédant la présidence du parti au pouvoir à son ex-ministre de la Défense Joao Lourenço. Il y a un an, il lui avait déjà cédé celle du pays.
Ce départ marque la fin de son long règne autoritaire sur un pays secoué par une grave crise économique, conséquence de la chute des cours du pétrole dont il est le 2e producteur d'Afrique noire.
Considéré à ses débuts comme falot et sans envergure, José Eduardo dos Santos s'est révélé fin stratège pour s'accaparer au fil des ans toutes les commandes du pays.
Chef du parti au pouvoir, il a dirigé son gouvernement, commandé l'armée et la police, nommé les juges, contrôlé l'économie et la plupart des médias. "Il est devenu le maître des chaises musicales en faisant passer ses fidèles d'un poste à un autre", souligne Didier Péclard, de l'université de Genève.
Même hors de ses frontières, il s'est imposé comme un des poids lourds du continent. Seul son homologue de Guinée équatoriale Teodoro Obiang Nguema, toujours en place, le devance au classement des dirigeants africains les plus endurants.
M. dos Santos est crédité d'avoir sorti l'Angola de la guerre fratricide qui l'a ensanglanté jusqu'en 2002.
"C'est sous son règne que la guerre civile s'est achevée et que l'Angola est devenu un pays important", note Alex Vines, du centre de réflexion britannique Chatham House. "Il a aussi réussi à apporter un certain degré de réconciliation".
- Népotisme -
Mais cette réussite a eu pour revers le clientélisme et la corruption.
"Il n'a pu tenir le pouvoir après la guerre civile qu'en déversant les milliards de dollars du pétrole", note Benjamin Augé, de l'Institut français des relations internationales (Ifri), "il a surtout eu la chance de bénéficier de fonds illimités à cette période".
Le boom pétrolier angolais a nourri à partir des années 2000 une forte croissance qui a permis de construire routes et hôpitaux.
Mais il n'a bénéficié qu'à une infime partie de la population. Selon ses opposants, la famille de "Zedu", le surnom du président, figure au premier rang des "profiteurs".
Surnommée la "Princesse", sa fille Isabel symbolise alors le népotisme du régime. Propriétaire de pans entiers de l'économie, sa fille Isabel est considérée comme la femme la plus riche d'Afrique par le magazine américain Forbes.
"Le président a privatisé l'Etat au profit de sa famille et d'une poignée de proches", dénonce le célèbre journaliste d'investigation et d'opposition Rafael Marques de Morais.
Né le 28 août 1942 d'une famille modeste, M. dos Santos a grandi dans le "barrio" de Sambizanga.
Dans ce bidonville de la capitale, noyau de la lutte contre la puissance coloniale portugaise, ce fils de maçon adhère en 1961 au Mouvement populaire pour la libération de l'Angola (MPLA), mais ne fait qu'un bref passage dans la lutte armée.
Deux ans plus tard, il obtient une bourse pour étudier en Azerbaïdjan où il décroche un diplôme d'ingénieur et épouse une Soviétique. Aujourd'hui marié à Ana Paula, une ex-hôtesse de l'air de 18 ans sa cadette, il est père de plusieurs enfants.
- 'Dictature' -
Dans les années 1970, il entre au Comité central du MPLA et devient ministre des Affaires étrangères de l'Angola à son indépendance en 1975. Dauphin du premier président Agostinho Neto, il est nommé vice-Premier ministre, puis ministre du Plan.
A la mort de son mentor en 1979, il devient président du MPLA et du pays. Il ne lâchera plus le pouvoir jusqu'aux élections de 2017, sans jamais être directement élu.
En 1992, la présidentielle est annulée entre les deux tours, un autre scrutin prévu en 2008 n'aura jamais lieu et la Constitution sur-mesure de 2010 lui a permis de prolonger son mandat en tant que chef du parti majoritaire.
Ses adversaires politiques crient à la "dictature", lui s'en défend. "Nous sommes un pays démocratique. Nous avons plusieurs partis", plaide M. dos Santos en 2013.
Malade, il confie à la fin de son règne sa lassitude du pouvoir. "Je ne voulais pas ce poste et ne pensais pas pouvoir l'occuper tant d'années mais les circonstances m'y ont forcé", a-t-il répété lors de son derniers discours samedi.
Il quitte finalement la présidence du pays en 2017 et la confie à un de ses proches, Joao Lourenço. Contre toute attente, celui-ci s'en prend aux intérêts de son clan et écarte tous ses proches des institutions et des entreprises publiques.
Il s'en offusque publiquement mais cède. En quittant la scène publique, il a reconnu avoir commis "des erreurs" mais "essayé au fil des ans de donner le meilleur".
Avec AFP