Malgré la forte chaleur estivale, la mobilisation, difficile à estimer précisément en l'absence de comptage officiel, semblait aussi importante que ces dernières semaines.
Amoindrie par les vacances scolaires par rapport aux premières semaines du "Hirak" (le mouvement de contestation né le 22 février), la mobilisation reste forte à Alger, où comme chaque vendredi, hommes, femmes et enfants de tous âges sont au rendez-vous.
"C'est ou nous ou ce pouvoir, on ne va pas s'arrêter", scandent les manifestants qui continuent de réclamer le départ du pouvoir de tous ceux ayant accompagné, durant ses 20 ans de présidence, Abdelaziz Bouteflika, contraint à la démission le 2 avril, sous les pressions conjuguées de la rue puis de l'armée.
Des dizaines de véhicules de police sont garés des deux côtés de la rue, sur une partie du parcours emprunté par la manifestation. Le dispositif semble toutefois avoir été légèrement allégé par rapport aux dernières semaines.
Le général Ahmed Gaïd Salah, chef d'état-major de l'armée devenu le véritable homme fort du pays depuis la démission de M. Bouteflika, reste une cible principale des protestataires.
- "Experts de la triche" -
"Unis, on fera partir le +Gang+ (au pouvoir) puis Gaïd", scandent ces derniers.
Alors que le mouvement de contestation, qui s'apprête à fêter son 6e mois le 22 août, ne semble pas s'essouffler, aucune solution à la crise politique dans laquelle est plongée l'Algérie ne se profile.
Le "Hirak" continue de refuser la présidentielle que le pouvoir souhaite coûte que coûte organiser le plus rapidement possible pour élire le successeur de M. Bouteflika. Une élection convoquée le 4 juillet a dû être annulée, aucun candidat sérieux ne s'étant présenté.
"On ne veut pas d'élections organisées par ce gouvernement. Ils trouveront le moyen de frauder. Ce sont des experts de la triche. Qu'ils partent avant les élections", résume Mohamed Benouafek, 45 ans, ingénieur dans une entreprise privée, interrogé dans une rue d'Alger par l'AFP.
Chauffeur de taxi de 65 ans, Ahmed manifeste vendredi "pour redire à Gaïd que nos revendications n'ont pas été satisfaites", contrairement à ce que le chef d'état-major a assuré le 8 août, en dénonçant "certains groupes" qui "s'acharnent à rejeter toutes les initiatives présentées et tous les résultats obtenus".
Le "dialogue" proposé par le pouvoir à la classe politique et à la société civile pour définir les modalités de cette élection, censé en garantir l'équité, est également rejeté par les manifestants, et "l'Instance de dialogue" mise sur pied pour parler avec les divers acteurs, peine à asseoir sa légitimité à leurs yeux.
- "A la poubelle" -
Nommé à la tête de cette instance, Karim Younès, ex-président de la Chambre basse et ancien ministre de M. Bouteflika, est une fois encore conspué vendredi par les manifestants aux cris de "Karim Younès à la poubelle!".
"On reste avec des pratiques anciennes, ce genre d'instance va nous mener à l'impasse", a averti jeudi, dans un entretien au site d'information TSA (Tout sur l'Algérie), l'économiste Smail Lalmas, qui a démissionné de cette instance après le refus du pouvoir de prendre des mesures "d'apaisement" réclamées en signe de bonne volonté.
De leur côté, plusieurs partis politiques et organisations de la société civile ont été contraints de reporter une réunion prévue samedi, faute d'avoir obtenu - comme le veut la loi - une autorisation préalable des autorités.
"Au moment où le pouvoir fait la promotion de son offre de dialogue, la réalité est tout autre", s'insurgent les organisateurs dans un communiqué, dénonçant "le verrouillage du débat public, des médias, du dialogue dans la société".