Dans le cadre d'une présidentielle à un tour, l'opposition affirmait vouloir un "candidat commun" face au "dauphin" du président Joseph Kabila, au pouvoir depuis 2001 et qui ne pouvait pas se représenter.
Les partenaires étrangers de la RDC (Nations unies, Etats-Unis, France, Belgique, Afrique du Sud...) croisaient les doigts en rêvant d'une première "transition pacifique" dans le plus grand pays d'Afrique sub-saharienne, susceptible d'inspirer toute l'Afrique centrale.
La donne s'est compliquée lundi soir quand Félix Tshisekedi (UDPS) et Vital Kamerhe (UNC) ont dénoncé l'accord conclu la veille à sept pour désigner à la surprise générale l'outsider Martin Fayulu comme candidat commun de l'opposition.
"L'accord existe toujours", a déclaré M. Fayulu sur TV5Monde, dans sa première réaction à la volte-face de MM. Tshisekedi et Kamerhe qui affirment avoir agi sous la pression de leur base.
"C'est extrêmement grave. Quel signal donnons-nous aux enfants et à la population, surtout nous dans l'opposition qui disons tout le temps que le pouvoir +kabiliste+ ne respecte pas la Constitution?", s'est-il emporté sous le coup de ce dernier avatar d'un grand classique de la politique congolaise: la division des opposants.
"J'invite mes frères (Tshisekedi et Kamerhe) à dépasser les considérations partisanes et à privilégier l'intérêt supérieur de la Nation. Il n'est jamais trop tard pour bien faire", a tempéré mardi après-midi dans un tweet M. Fayulu.
"Pour l'instant le dialogue est rompu", a déclaré un responsable de l'UDPS à Bruxelles où se trouve toujours M. Tshisekedi, qui pourrait rentrer samedi à Kinshasa.
Report des élections
Les partisans de MM. Tshisekedi et Kamerhe leur demandent de maintenir leur candidature, alors que l'accord de Genève envisageait le "retrait par solidarité" au profit du candidat commun.
Cet accord a également été signé par deux autres ténors, Moïse Katumbi et Jean-Pierre Bemba, qui n'ont pas pu se présenter à l'élection présidentielle.
L'accord révélé par Jeune Afrique envisageait aussi l'hypothèse de "la non-tenue de l'élection présidentielle", avec dans ce cas une réunion d'une "conférence des leaders" pour "statuer sur les options nouvelles, l'issue de la candidature commune et les stratégies à adopter".
Cet éventuel nouveau report des élections - le mandat de Joseph Kabila s'est achevé en décembre 2016 - a embrasé la base de l'UDPS, le parti de M. Tshisekedi.
"Nous avons estimé que nos amis +invalidés+ (ndr: MM. Katumbi et Bemba) n'étaient pas sincères avec nous, qu'ils voulaient nous amener vers un boycott, un chemin dangereux pour la RDC", avait déclaré lundi le secrétaire général de l'UDPS Jean-Marc Kabund.
"Il nous a fallu verser le sang dans ce pays pour que Kabila accepte d'organiser les élections. Et nous allons sacrifier tous ces efforts ? Nous ne pouvons pas admettre tout cela", a-t-il ajouté.
L'UDPS veut des élections coûte que coûte le 23 décembre, et avec ou sans la "machine à voter" (qui permettront aux électeurs de choisir les candidats et d'imprimer les bulletins de vote), rejetée par les autres signataires.
"Notre Congo mérite mieux"
Ces divisions au sein de l'opposition arrangent le Front commun du Congo (FCC) constitué autour du président Kabila et de l'homme qu'il soutient pour lui succéder, l'ex-ministre de l'Intérieur et patron du parti présidentiel Emmanuel Ramazani Shadary.
"Que tous ceux et celles qui sont profondément déçus par cette énième trahison de notre peuple par les leaders de l'opposition congolaise au service d'une cause étrangère à l'intérêt national, rejoignent le camp du Congo, le FCC", a tweeté le camp présidentiel.
Les querelles de l'opposition désolent le mouvement citoyen anti-Kabila Lutte pour le changement (Lucha): "Nous n'avons d'autres choix que de réinventer par nous-même (...) le changement que nous voulons (...). Assez! Notre Congo mérite mieux".
Les spéculations vont bon train sur les raisons profondes du retournement de MM. Tshisekedi.
Le quotidien Le Potentiel voit la "main noire" des services de renseignement derrière la fronde de leurs militants: "Des observateurs avertis de la scène politique s'accordent pour dire que les services ont travaillé au corps les partisans de l'UDPS et de l'UNC".
Autre hypothèse: floués par MM. Katumbi et Bemba, MM. Tshisekedi et Kamerhe avaient prévu un coup de billard à trois bandes en faisant mine de découvrir la colère de leur base...
En attendant, il reste toujours 21 candidats en course à l'élection présidentielle toujours prévue le 23 décembre, en même temps que les législatives et les provinciales. Et MM. Tshisekedi et Kamerhe ont les faveurs d'un sondage qui place le candidat du pouvoir en troisième position derrière eux deux.
Avec AFP