Premier candidat de droite à ne pas se qualifier pour un second tour, l'ancien Premier ministre de Nicolas Sarkozy (2007-2012), actuellement député, a annoncé lundi ne pas se sentir légitime pour mener le combat à venir des législatives (11-18 juin) et vouloir "redevenir un militant de cœur" de son parti.
François Fillon a été aussi le premier candidat majeur d'une élection à être inculpé pendant une campagne présidentielle: le 14 mars, il s'est vu signifier par les juges les charges retenues contre lui, notamment "détournement de fonds publics" et "recel d'abus de biens sociaux".
L'emploi de son épouse Penelope comme assistante parlementaire - de 1986 à 2013 avec des interruptions -, révélé fin janvier par l'hebdomadaire satirique Le Canard enchaîné, est au cœur de l'affaire qui a bouleversé toute la campagne, occultant parfois les enjeux du scrutin, dont le premier tour s'est tenu dimanche.
Faute de s'être qualifié pour le second tour, M. Fillon, pourtant parti grand favori de l'élection, a perdu toute chance de devenir président et d'être ainsi protégé par l'immunité totale dont bénéficie un chef de l'État en exercice -- qui aurait empêché toute nouvelle convocation par les juges d'instruction pendant son mandat.
"L'enquête a jusqu'ici été menée au pas de charge, il n'y a pas de raison pour que les investigations ne se poursuivent pas à un rythme soutenu à l'encontre de l'ex-Premier ministre", relevait lundi une source proche du dossier.
Lors de son premier rendez-vous avec les juges, M. Fillon avait refusé de répondre aux questions, se contentant de lire une simple déclaration, invoquant le "calendrier" judiciaire, "en plein cœur de la campagne présidentielle", et défendant aussi la réalité de l'emploi de son épouse.
"Une nouvelle audition va permettre de l'interroger sur le fond", a relevé la source proche du dossier, rappelant que Penelope Fillon avait été entendue "pendant plus de douze heures avant sa mise en examen" le 28 mars.
Les enquêteurs s'interrogent en particulier sur la réalité des emplois de la discrète épouse, comme collaboratrice parlementaire auprès de son mari, puis de son suppléant à l'Assemblée, Marc Joulaud, de 1986 à 2013, pour 680.380 euros nets d'émoluments au total, payés sur les deniers publics.
Rémunérée dès 1982
Comme le site d'information en ligne Mediapart l'a révélé il y a deux semaines, "Penelope Fillon a été rémunérée dès 1982 par son époux pour des missions à l'Assemblée", d'après la source proche du dossier, mais "l'enquête ouverte par le parquet national financier (PNF) ne porte pas à ce stade sur cette période".
Les investigations portent aussi sur deux des enfants du couple, Marie et Charles, embauchés comme assistants de leur père de 2005 à 2007 lorsqu'il était sénateur. Et sur de possibles abus de biens sociaux alors que Penelope Fillon a été employée de mai 2012 à décembre 2013 dans une revue littéraire, propriété de l'homme d'affaires Marc Ladreit de Lacharrière, un proche de l'ancien Premier ministre.
Le PNF a élargi le 16 mars son enquête à des soupçons d'escroquerie aggravée et de trafic d'influence.
Concernant l'escroquerie, les enquêteurs se demandent si le couple n'a pas cherché à minimiser la durée du travail censé avoir été effectué par Penelope Fillon à la Revue des deux mondes alors qu'elle était, de juillet 2012 à novembre 2013, salariée du magazine et assistante parlementaire de son mari, deux emplois rémunérés à temps plein.
Les soupçons de trafic d'influence portent, eux, sur des costumes offerts au candidat Fillon par l'un de ses amis, l'avocat Robert Bourgi, figure des réseaux français en Afrique.
A ce jour, hormis le couple Fillon - dont les avocats n'ont pas souhaité s'exprimer-, seul Marc Joulaud a été mis en examen.
Avec AFP