De nombreux partisans et opposants ont élevé leurs voix contre les mandats d’arrêt internationaux contre certains séparatistes anglophones. Mais certains Camerounais prennent le parti du pouvoir en place.
A Yaoundé, capitale politique, Salomon, un jeune citoyen se réclamant proche du parti au pouvoir, approuve l’option de traduire les séparatistes anglophones en justice.
"Notre pays a quand même été agressé ", argumente-t-il, ajoutant que "les séparatistes doivent ressentir la force du droit".
"J'imagine la peine des parents et proches des victimes des assassinats de ces derniers jours", se lamente-t-il.
C'est avec le même ton qu'Issa Tchiroma, ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement, a présenté la situation dans les zones anglophones du Cameroun.
"Des terroristes ont attaqué la République", commente Issa Tchiroma Bakary. Ils seront "traités comme tels", a-t-il déclaré face à la presse.
L’entorse sur le dialogue par le gouvernement camerounais est risquée, avec le levier des mandats d’arrêt internationaux, selon Leonide Mfoum, membre du secrétariat national à la communication de l’UNDP, l'Union nationale pour la démocratie et le progrès, une formation de la majorité présidentielle.
"Depuis notre congrès de février 2017, l'UNDP continue d'appeler au dialogue", rappelle-t-il.
"Nous assistons à une escalade de violence qui arrange certaines personnes, prêtes à faire la guerre", soutient le militant.
Il avait déjà fait prévaloir cet argument sur son mur Facebook en octobre dernier, soulignant "la logique de la violence dans les zones anglophones par les deux parties en conflit".
Pour lui, "les pouvoirs publics et les séccesionnistes se rejettent désormais la responsabilité des assassinats".
Les séparatistes accusent "les autorités d'être derrière ces meurtres en série".
Le gouvernement accuse la branche armée du southern Cameroon national council (SCNC), qui tue actuellement les forces de défense", souligne t-il.
La semaine dernière, trois gendarmes ont été assassinés à Jakiri, Bafut et Bayelé dans le nord-ouest du pays.
Un quatrième a été égorgé à Akwem dans le sud-ouest, dans la zone anglophone, selon les termes d'un communiqué rendu public par le ministre délégué à la présidence de la République, chargée de la Défense.
"Ces actes ont été revendiqués par un certain Dr Cho Ayaba", de la branche armée de la république dite "Ambazonia", favorable à la sécession du Cameroun anglophone.
Le président autoproclamé de "l'Ambazonia", république virtuelle du Cameroun anglophone, Ayuk Tabe, concerné par l'avis d'extradition, s'est désolidarisé des ces meurtres.
"Que des mandats d'arrêt internationaux soient lancés contre tous séparatistes, signifient que l'Etat du Cameroun l'avait prévu avant les assassinats des gendarmes " déplore Franklin Sone Bayen, journaliste freelance anglophone, joint au téléphone. Il s'agit de procédures qui n'ont pas été enclenchées en 24 heures", précise-t-il.
L'ancien avocat général anglophone, Paul Aya Abine, emprisonné puis libéré pendant la crise dite anglophone, et par ailleurs, homme politique, prédit l'échec de cette initiative, notamment avec la sollicitation aux États-Unis, au Royaume-Uni, et en Afrique du Sud, par le Cameroun pour extrader les séparatistes. Il évoque le fait que certains séparatistes aient la double nationalité.
Parmi la quinzaine d'activistes recherchés, certains résident dans des pays où la peine de mort n'est pas en vigueur.
Maître Emmanuel Simh, avocat au barreau du Cameroun, déclare que "ce sont les pays avec lesquels le Cameroun a des relations de coopération judiciaire qui sont tenues d'extrader les personnes recherchées, si elles sont interpellées".
Il ajoute que quand bien même il n'existerait pas d'accord de coopération judiciaire, les pays sollicités peuvent toujours extrader les personnes recherchées à condition que le pays demandeur n'applique pas la peine de mort, ou organise des procès face aux tribunaux militaires.
Au Cameroun, les auteurs d'actes terroristes sont jugés devant un tribunal militaire et encourent jusqu’à la peine de mort, selon la loi antiterrorisme.
Emmanuel Jules Ntap, correspondant à Yaoundé