"La nouvelle génération arrive au bout de sa patience", a déclaré M. Malema lors d'un entretien accordé à l'AFP au quartier général de son parti des Combattants pour la liberté économique (EFF), dans le centre de Johannesburg.
"Les EFF ont dit aux militants que le moyen le plus pratique de récupérer des terres était d'occuper celles laissées vides pour faire pression sur l'Etat. Et ça a marché", se réjouit-il, son incontournable béret rouge vissé sur la tête.
"Maintenant, l'Etat et les propriétaires terriens commencent à se dire+peut-être faut-il faire quelque chose+".
A la tête du pays depuis février, le président Cyril Ramaphosa a engagé une réforme foncière pour, répète-t-il, "réparer l'injustice historique grave" commise à l'égard de la majorité noire pendant la période coloniale puis l'apartheid.
Un quart de siècle après la chute du régime raciste blanc, les trois quarts des exploitations agricoles sont encore détenues par des Blancs, qui ne représentent que 8% de sa population.
Pour rééquilibrer le tableau, M. Ramaphosa veut modifier la Constitution pour autoriser des expropriations sans indemnisation.
Son projet a ravivé les tensions raciales. A moins d'un an des prochaines élections générales, il nourrit aussi les rivalités politiques entre le Congrès national africain (ANC) au pouvoir, dont la popularité s'étiole, et les EFF de Julius Malema.
Transfuge de l'ANC, ce fort-en-gueule a fondé son parti en 2013 sur un discours radical qui dénonce les accommodements du parti de Nelson Mandela avec la minorité blanche.
Dans un pays au taux de chômage endémique (27%) qui peine à relancer son économie, le tribun des EFF, 37 ans, a commencé à grignoter l'électorat jeune et pauvre de l'ANC. Il espère désormais dépasser en 2019 son score national de 8% obtenu lors des élections locales d'il y a deux ans.
"Pas de violences"
En reprenant à son compte le mot d'ordre de la "transformation radicale de l'économie" dont les EFF ont fait leur fonds de commerce électoral, le projet lancé par le gouvernement menace toutefois de contrarier ces objectifs.
"Cyril dit une chose un jour et une autre chose le jour suivant, en fonction de l'endroit où il parle", s'amuse Julius Malema, qualifiant de "factices" ses prétentions réformatrices.
"Nous, nous disons la même chose tout le temps alors qu'eux ne cessent de changer", insiste Julius Malema, "nos idées font de nous le parti politique le plus influent".
Même si ses appels à l'occupation sauvage des terres nourrissent de nombreux incidents, le patron des EFF ne croit pas que la bataille pour la terre dégénèrera en guerre raciale.
"Il n'y aura pas de violences", prédit-il, "je pense que les (fermiers blancs) vont finir par renoncer à la terre au fur et à mesure que Noirs et Blancs discutent de la résolution de la question".
"On va aboutir au partage de la la terre mais elle doit d'abord être récupérée par l'Etat qui la distribuera ensuite à tous".
Loin des diatribes enflammées dont il régale volontiers ses partisans, il n'est toutefois pas certain que ces propos apaisés rassureront les investisseurs étrangers et les Blancs les plus riches, qui s'inquiètent de la dégradation du climat politique sud-africain.
Fidèle à son image, Julius Malema ne renonce pas à ses réquisitoires anti-Blancs.
Quelle que soit l'issue de la controverse foncière en cours, les Blancs ne quitteront par l'Afrique du Sud, assure-t-il provocateur, car ils n'en ont pas les moyens de s'offrir des domestiques à l'étranger.
"En 1994, tout le monde pensait qu'ils allaient partir. Mais ils sont toujours là. D'ailleurs, où pourraient-ils aller ?", s'interroge la chef des EFF.
"Les Blancs qui ont de l'argent en Afrique du Sud seraient pauvres s'ils s'installaient en Europe. Et ils sont tellement habitués à ce que nous (les Noirs) leur fassions tout qu'ils seraient bien incapables de le faire eux-mêmes..."
Avec AFP