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En Afrique, plus d'élections mais pas forcément plus de démocratie selon les chercheurs


Une femme vote lors d'une élection présidentielle à N'Djamena, Tchad, le 10 avril 2016.
Une femme vote lors d'une élection présidentielle à N'Djamena, Tchad, le 10 avril 2016.

La démocratie en Afrique tient du verre à moitié plein: les putschs et les contestations violentes sont plutôt devenus l'exception. Mais si les élections se généralisent, leur fréquente manipulation entrave les avancées démocratiques, selon des experts.

"Nous sommes dans une situation paradoxale: il n'y a jamais eu autant d'élections mais elles deviennent de moins en moins fiables", observe Nic Cheeseman, chercheur à l'Université d'Oxford. "Les dirigeants connaissent de mieux en mieux les modes de fraudes électorales et les mettent en oeuvre avec de plus en plus d'astuce", relève ce politologue britannique, auteur de "Democracy in Africa".

Une vingtaine d'élections présidentielles se sont tenues depuis début 2015, avec un bilan en demi-teinte.

Contrairement aux crises post-électorales qui avaient ensanglanté le Kenya (2007) ou la Côte d'Ivoire (2010), "il a une certaine avancée, parce qu'il n'y a eu aucune violence dans aucun pays, même si des résultats ont été contestés. Mais il y a encore beaucoup de défis", souligne le général malien Siaka Sangaré, expert électoral de l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF).

Des affrontements ont néanmoins fait 17 morts début avril à Brazzaville, quelques jours après la réélection contestée de Denis Sassou Nguesso, et le Burundi est en proie à une répression et des règlements de comptes depuis la réélection contestée en juillet 2015 de Pierre Nkurunziza.

Le Burkina Faso a également connu un parcours heurté, avec un premier coup d'Etat qui a renversé Blaise Compaoré en octobre 2014, une transition politique interrompue par un nouveau putsch, avorté, et au final une élection gagnée par Roch Marc Christian Kaboré.

Pays le plus peuplé d'Afrique, le Nigeria a lui poursuivi dans la voie de l'alternance, tout comme le Bénin, où le perdant a immédiatement félicité le président élu.

En matière de progrès démocratique, "il n'y a pas une Afrique mais deux ou trois Afriques", estime Nic Cheeseman.

Des dirigeants "bunkérisés"

Dans l'indice annuel de The Economist Intelligence Unit, seule une dizaine de pays d'Afrique subsaharienne étaient en 2015 étiquetés "démocratiques": Botswana, Cap Vert, Ghana, Maurice, Zambie, Lesotho, Namibie, Sénégal et Afrique du sud. Dans une quinzaine d'autres, le régime était qualifié d'hybride tandis que plus de vingt restaient classés "autoritaires".

Dans ces derniers, faute de véritables contre-pouvoirs, les dirigeants verrouillent les institutions, pour se maintenir coûte que coûte au pouvoir.

"Avec le temps, les chefs d'Etat ont appris à gérer le théâtre démocratique, les élections, et ils se bunkérisent autour de leurs proches, de leur clan", relève Antoine Glaser, africaniste français.

Parmi les indéracinables, Denis Sassou Nguesso, depuis plus de 32 ans à la tête du Congo Brazzaville, a remporté 60% des voix dès le premier tour en mars, des résultats qualifiés de "forfaiture" par l'opposition. En Guinée équatoriale, Teodoro Obiang Nguema, arrivé au pouvoir en 1979 par un coup d'Etat, a été "réélu" en avril avec un score officiel de 93,7% des voix.

Dans ces pays, "le contexte politique est toujours marqué par une crise de confiance pratiquement totale entre l'opposition et la majorité", déplore Siaka Sangaré, qui observe la même configuration en République démocratique du Congo (RDC), où le président Joseph Kabila est accusé par ses opposants de chercher à prolonger son mandat.

Pour en sortir, il faut, selon Nic Cheeseman, "que les dirigeants croient que l'opposition les protégera s'ils la laissent accéder au pouvoir et que les opposants aient l'assurance de pouvoir participer au processus électoral" en toute équité. Ce qui suppose la mise en place "d'institutions fortes et indépendantes".

"C'est long, mais les fondations des régimes autocrates sont en train de s'effriter", minées par la montée en puissance de la société civile, de l'opposition, de la jeunesse, relayée par les réseaux sociaux, assure Antoine Glaser. "Les choses vont vraiment bouger en Afrique comme elles ont bougé au Burkina, au Sénégal", insiste-t-il.

Le général Sangaré, lui aussi, se veut optimiste. "Quand on jette un regard sur le parcours de l'Afrique, il y a 25 ou 30 ans, c'était les coups d'Etat qu'on comptait. Maintenant, on a du mal à compter le nombre d'élections".

Avec AFP

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