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Fléau de la mortalité maternelle en Zambie


Une vue sur l'hôpital universitaire à Lusaka, le 21 septembre 2017.
Une vue sur l'hôpital universitaire à Lusaka, le 21 septembre 2017.

Pour leur père, l'anniversaire de Karen et Kelly Jr. aura toujours un goût amer. Leur mère est morte en leur donnant la vie. Un drame encore fréquent en Zambie, qui nourrit un débat de plus en plus pressant sur les lacunes de son système de santé.

C'était il y a plus de six mois et le père reste inconsolable. Le 18 mars, la mère, Karen Kalengele, 33 ans, est admise en plein travail à l'hôpital Medcross Facility, un des plus prestigieux établissements privés de Lusaka.

Mais l'accouchement tarde. Alors pour éviter toute souffrance aux jumeaux à naître, la gynécologue décide de pratiquer une césarienne. Les nouveaux-nés se portent bien. Mais juste après leur naissance, le père, Kelly Chuunga, est informé du décès de son épouse.

"On était en train de discuter avec mes soeurs dans la chambre des bébés, occupés à les prendre en photo pendant qu'au même moment, ma femme était en train de mourir sur la table d'opération", se souvient cet homme de 45 ans, qui travaille dans la finance.

Pour toute explication, il doit se contenter d'un simple certificat de décès, qui conclut que son épouse a succombé à une embolie pulmonaire.

"A ce jour, je ne sais toujours pas ce qui s'est passé", confie le veuf. "Je ne sais pas si c'était de la négligence ou un accident. Je suis seul avec beaucoup de questions sans réponse."

No comment

Des réponses, Sandra Phiri n'en a pas obtenues beaucoup plus lorsque sa cousine Felicia Zulu, 33 ans, est décédée une semaine après avoir accouché d'une fille, morte-née dans le plus grand hôpital du pays, celui de l'université de Lusaka (UTH).

Mais pour elle, le coupable est tout trouvé: elle considère que ce sont les médecins, les responsables de la mort de Felicia. "Après le décès du bébé, ils auraient pu lui sauver la vie", dit-elle.

L'hôpital s'est refusé à tout commentaire sur ce cas particulier. "Je ne dirai rien sur cette affaire", a déclaré une porte-parole de l'établissement, Natalie Mashikolo.

La Zambie est loin d'afficher les pires résultats du continent en matière de mortalité maternelle. Selon une enquête des Nations unies, son taux s'élevait à 224 mères décédées pour 100.000 naissances en 2015. Bien moins que le Nigeria (814) ou l'Angola (477) ou la Côte d'Ivoire (645), des pays africains plus riches sur le papier.

Mais malgré de réels progrès sur ce front, comme à l'échelle de la planète d'ailleurs, la liste reste longue des femmes qui décèdent encore en accouchant en Zambie.

"Statistiquement, nous avons réussi à réduire la mortalité maternelle, mais elle reste encore très élevée", reconnaît le vice-président de l'Association médicale zambienne (ZMA), le gynécologue Samson Chisele.

'Les 3 R'

Les autorités se sont fixé un objectif ambitieux. Passer au plus vite sous la barre des 100 décès maternels pour 100.000 naissances.

Mais la tâche s'annonce difficile. Car les statistiques trouvent leur origine dans la culture et les croyances de la population et, surtout, l'état des structures de transport et de santé d'un des pays les plus pauvres de la planète.

"La mortalité maternelle s'explique par ce que nous appelons les 3 R", explique le Dr Chisele, "retard dans la décision de se rendre à l'hôpital pour accoucher, retard dans l'arrivée à l'hôpital et retard dans la mise en oeuvre des soins à l'hôpital".

Signe de l'étendue du problème, cette réalité affecte tous les milieux, quels que soient leurs moyens ou leur éducation.

En septembre, la mort d'une journaliste du quotidien gouvernemental Daily Mail, 29 ans à peine, qui venait d'accoucher par césarienne dans un des meilleurs hôpitaux privés de la capitale, a fait les gros titres de la presse locale.

L'émotion suscitée par le décès de Sithembile Siwawa Zulu a relancé le débat sur l'état du système de santé du pays.

'Mort de trop'

Le ministre de la Santé Chitalu Chilufya lui-même a ordonné une enquête pour déterminer les causes de ce décès. "Je suis profondément choqué par la tournure prise par les événements", a-t-il réagi. "Chaque mort d'une mère est une mort de trop."

Certains espèrent désormais que ce cas très médiatisé poussera les autorités à mettre les bouchées doubles pour améliorer la prise en charge médicale de tous les accouchements.

"Nous restons très préoccupés que nos mères meurent même quand elles ont accès aux services médicaux avant et après l'accouchement", estime un responsable de l'Eglise catholique zambienne, Winfield Kunda.

Malgré sa douleur de jeune veuf, Kelly Chuunga espère lui aussi une prise de conscience des autorités. En l'attendant, il a préféré ne pas porter la mort de son épouse sur le terrain judiciaire.

"Ma femme entretenait un lien personnel avec son médecin, j'ai donc décidé d'en rester là, je ne déposerai pas plainte", justifie-t-il. Et "les bébés vont bien."

Avec AFP

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