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Les enseignants de l'Oklahoma dans la galère


Melissa Knight, qui enseigne l'art au collège d'Ardmore, dans l'Oklahoma, tient une pancarte à l'occasion du rassemblement des enseignants au State Capitol à Oklahoma City, le lundi 2 avril 2018, pour protester contre le manque de financement des écoles.
Melissa Knight, qui enseigne l'art au collège d'Ardmore, dans l'Oklahoma, tient une pancarte à l'occasion du rassemblement des enseignants au State Capitol à Oklahoma City, le lundi 2 avril 2018, pour protester contre le manque de financement des écoles.

Dans cet Etat rural et pétrolier du centre des Etats-Unis, les professeurs manifestent depuis au parlement local contre leurs faibles salaires et le manque de moyens criant dans les écoles publiques vétustes.

Pour élever ses deux fils, Scott Teel, professeur d'histoire dans un lycée d'Oklahoma City, cumule trois casquettes: il est aussi entraîneur sportif et agent immobilier.

En mauvaise santé, Jennifer Thornton n'est pas en mesure de cumuler les petits boulots. Cette institutrice de 38 ans, souffrant d'obésité, de fibromyalgie et opérée du cerveau il y a deux ans, ne s'en sort pas.

Elle doit parfois aller à la soupe populaire avec son fils adolescent pour manger. Elle y croise des élèves de son école située dans un quartier déshérité et, parfois, d'autres profs.

"C'est une pilule amère. Ça vous enlève beaucoup de dignité", avoue-t-elle, des larmes roulant sur les joues.

>> Lire aussi : Les maigres salaires des enseignants américains en question

Scott Teel et elle font partie des milliers d'enseignants de l'Oklahoma, Etat rural et pétrolier du centre des Etats-Unis, qui manifestent depuis lundi au parlement local contre leurs faibles salaires et le manque de moyens criant dans les écoles publiques vétustes.

Jennifer Thornton vit à Tulsa, à deux heures d'Oklahoma City. Avec son salaire de 1.952 dollars nets par mois, une fois qu'elle a payé son loyer, l'électricité, l'assurance-maladie, internet, l'essence, il ne lui reste presque rien pour manger.

"Je quitte ma maison à 6H00 chaque matin, j'arrive dans ma classe à 6H45, et les enfants entrent à 7H25".

Elle termine sa journée à 15 heures puis anime des conseils de classe ou participe à des réunions syndicales, avant de rentrer chez elle retrouver son fils. Puis vient l'heure du dîner.

"On voit s'il y a quelque chose dans le frigo ou dans le placard, combien il y a dans mon porte-monnaie ou le sien, ou si on doit demander à ma mère. On finit souvent avec un menu à un dollar chez McDonald's", raconte-t-elle. "Quand on est vraiment pauvre, c'est dur de trouver de la nourriture saine".

"Jamais de cadeaux d'anniversaire"

Quand on lui demande si elle regrette son choix de carrière, elle s'effondre.

A cinq ans, elle voulait déjà faire ce métier, assure-t-elle. "J'aime mon travail, je suis bonne à ça, je reprendrais cette décision pour moi mais jamais pour mon fils".

"Il n'a jamais de cadeaux d'anniversaire ou de Noël", il n'aurait jamais pu faire de sport ou d'activités sans l'aide financière de leur famille.

En sanglots, elle dit qu'"il n'aurait jamais dû avoir à rentrer chez lui et trouver une note d'expulsion ou l'électricité coupée, alors que je travaille dur. J'ai fait ce qu'on m'avait dit de faire, j'ai été à l'université, j'ai passé des diplômes".

Pour elle, le manque de moyens dans l'enseignement public dépasse l'Oklahoma.

"Je sais qu'à travers tout le pays, les enseignants travaillent trop, sont sous-payés et peu respectés", affirme-t-elle.

En Arizona et dans le Kentucky, des milliers de professeurs manifestent également contre leurs conditions de travail et de salaire, encouragés par le succès d'un mouvement similaire en Virginie occidentale.

Dans l'Oklahoma, régulièrement avant-dernier du pays dans les classements des dépenses publiques et des salaires dans l'enseignement, "cela fait vingt ans que les gens votent massivement contre les impôts", déplore M. Teel.

Les législateurs "ont éliminé 28% du budget de l'enseignement en dix ans et on a accueilli 40% d'élèves en plus", explique ce professeur à la forte stature et la voix qui porte.

A 46 ans, il manifeste pour la première fois et n'a jamais vu un tel ras-le-bol chez ses collègues.

Dans sa classe en préfabriqué où la peinture est arrachée par endroits et où se serrent 36 pupitres, il montre les manuels d'histoire internationale vieux de dix ans aux couvertures élimées.

Il n'y a pas de budget pour les photocopies, pour les agrafes, et c'est lui ou les parents qui doivent mettre la main à la poche pour tout.

Son lycée, Moore High School, dont il arbore le blason sur son jogging et sa casquette, est pourtant l'un des dix meilleurs d'Oklahoma, assure-t-il.

Il arrive à 7H45 à l'école, fait cours jusqu'à 15H00. Puis il y a les entraînements sportifs sur le campus. Il rentre parfois chez lui à 21H30 en période de compétition.

Il gagne 3.500 dollars par mois avec un master en éducation et 25 ans d'expérience.

Le soir, le week-end, pendant les vacances, il travaille aussi dix à douze heures par semaine pour trouver des clients immobiliers, organiser des visites de maisons, etc.

Le découragement le gagne parfois mais "je fais ce métier pour la relation avec les élèves". Il sait qu'il pourrait gagner 15.000 dollars de plus en déménageant au Texas mais il a promis à son fils aîné de rester en Oklahoma jusqu'à la fin de son cursus au lycée.

"Je n'ai rien promis de tel à mon fils cadet", conclut-il.

Avec AFP

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