La quasi-totalité des Algériens observent strictement les prescriptions religieuses, en s'abstenant notamment durant cette période de manger, boire et fumer entre le lever - vers 04H00 (03H00 GMT) du matin - et le coucher du soleil - vers 19H45.
La mobilisation semble forte vendredi au départ du cortège, peu après la fin de la grande prière hebdomadaire en début d'après-midi, sous un ciel ensoleillé et sans nuage et une température avoisinant les 30 degrés.
Plusieurs rues autour de la Grande Poste sont noires de monde et la foule continue de converger vers ce bâtiment emblématique du centre d'Alger devenu le point de ralliement de plus de deux mois de manifestations dans la capitale, selon une journaliste de l'AFP sur place.
"Dégage Gaïd! Dégage Bédoui! Dégage Bensalah!", scandent les manifestants à l'adresse du général Ahmed Gaïd Salah, chef d'état-major de l'armée et de facto homme fort du pays depuis la démission le 2 avril, et à l'adresse du président Abdelaziz Bouteflika, du Premier ministre Noureddine Bedoui et du chef de l'Etat par intérim Abdelkader Bensalah.
Le général Gaïd Salah a été un temps vu comme un allié de la contestation après avoir lâché M. Bouteflika, ce qui avait rendu la démission du président inéluctable après vingt au pouvoir.
Vendredi, comme la semaine précédente, il est particulièrement visé par les manifestants: l'Algérie "est une République, pas une caserne", "l'armée est notre armée et Gaïd nous a trahis", lancent-ils.
- ramadan -
"Il fait très chaud, c'est difficile de marcher quand on ne peut pas boire d'eau", confie Samir Asla 58 ans, qui se protège du soleil à l'ombre d'un arbre en attendant le départ du cortège.
Baya, 41 ans, est venue avec ses deux filles adolescentes, car elle "avait peur que les gens ne sortent pas à cause de la chaleur et du ramadan".
La mobilisation sera observée de près, alors que plusieurs organisations et personnalités proches de la contestation accusent le général Gaïd Salah de vouloir imposer de force le processus de transition en cours et l'élection présidentielle convoquée le 4 juillet pour élire le successeur de M. Bouteflika.
Or les manifestants refusent de voir ce scrutin organisé par les structures et personnalités de l'appareil laissé derrière lui par M. Bouteflika, incarné notamment par MM. Bensalah, Bedoui et Gaïd Salah, fidèles jusqu'à la démission du chef de l'Etat, après 20 ans à la tête de l'Algérie.
Après celle de plusieurs riches hommes d'affaires accusés de malversations, l'incarcération dans la semaine de Saïd Bouteflika, longtemps considéré comme un tout-puissant "président bis" jusqu'à la démission de son frère Abdelaziz Bouteflika, a été bien accueillie par les manifestants.
Pour de nombreux Algériens, Saïd Bouteflika a joué un rôle dans les efforts pour maintenir coûte que coûte son frère au pouvoir, malgré l'AVC dont le président avait été victime en 2013.
Deux anciens patrons des tentaculaires services de renseignements, les généraux Mohamed "Toufik" Mediene et Athmane "Bachir" Tartag, ont aussi été incarcérés. Tous trois sont accusés d'atteinte à l'autorité de l'Etat et complot contre l'armée.
- lutte de clans ? -
Si ces incarcérations ont été accueillies avec satisfaction par les manifestants, ces derniers peinent à dissiper l'impression que ces arrestations sont surtout l'occasion d'une purge au sommet dans le cadre d'une lutte de clans de l'ancien régime.
Elles avaient été précédées par l'incarcération de richissimes hommes d'affaires pour la plupart liés au clan Bouteflika, et de nombreux observateurs y ont vu la main du général Gaïd Salah.
Le placement en détention provisoire, jeudi, de Louisa Hanoune, pasionaria trotskiste et cheffe du Parti des Travailleurs (PT, 11 députés), a aussi été vu par plusieurs organisations liées à la contestation comme une tentative de l'armée d'imposer par "la force" le processus constitutionnel de transition en cours.
L'armée, en dénonçant une "conspiration" contre elle, ne tenterait-elle pas "de faire taire toutes les voix discordantes" s'opposant au processus de transition souhaité par Gaïd Salah?, se demande ainsi la Ligue algérienne de défense des droits de l'Homme (LADDH).