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L'héritage politique d'Etienne Tshisekedi, un an après sa mort


Le cercueil d'Etienne Tshisekedi lors d'une cérémonie à Bruxelles, en Belgique, le 5 février 2017.
Le cercueil d'Etienne Tshisekedi lors d'une cérémonie à Bruxelles, en Belgique, le 5 février 2017.

Un an jour pour jour après la mort d’Etienne Tshisekedi, que retient-on de cet homme qui reste l’icône de l’opposition en RDC ?

"Le sphinx de Limete" aura plutôt laissé une œuvre inachevée.

Jean Marc Kabund joint par Eddy Isango
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Ce 1er février, un an après son décès, Etienne Tshisekedi est encore au centre de plusieurs polémiques. Sa dépouille est toujours en Belgique, encore gardée dans une morgue par sa famille. Il serait même provisoirement enterré assurent certains politiciens se réclamant aussi de l’opposition comme Roger Lumbala, Willy Mishiki. VOA Afrique n'a pas pu confirmer cette information indépendamment.

L’aile dure de son parti, l’UDPS (Union pour la démocratie et le progrès social), et du Rassemblement, sa plate-forme politique ainsi que sa famille biologique, imputent au régime de Kabila le non-rapatriement de la dépouille d’Etienne Tshisekedi pour des funérailles et l’enterrement.

"Nous ne comprenons pas pourquoi M. Kabila bloque le rapatriement de la dépouille du président Tshisekedi. Comment peut-il considérer le cadavre du président Tshisekedi comme son opposant ? Il faut enterrer les morts car ils ne sont plus parties prenantes au processus. Je crois qu’il est urgent que cette question soit débloquée", a plaidé récemment l’un des membres de l’aile dure du Rassemblement, Delly Sesanga devant des reporters à Kinshasa.

"Faux", assure Lambert Mende sur VOA Afrique

Pour le porte-parole du gouvernement congolais, ce dernier "est disposé à faciliter le rapatriement de la dépouille d'Etienne Tshisekedi et lui offrir des funérailles dignes de son rang d'ancien Premier ministre. Nous ne pouvons pas forcer sa famille à nous donner son corps. C'est un problème que seule sa famille peut régler", explique M. Mende.

>> Lire aussi : Mort d'Etienne Tshisekedi à l'âge de 84 ans

Mais tous, opposition et pouvoir, craignent que la dépouille du défunt opposant ne puisse attirer des foules immenses difficiles à contrôler, encore plus que du temps de son vivant.

Sa Lutte

Son combat, aujourd’hui, tous les Congolais, encore plus les opposants dispersés, affirment le poursuivre.

"La lutte pour la démocratie est une lutte permanente dans un pays. Même dans les pays à grande tradition démocratique, ils ne cessent de faire des efforts pour renforcer leur culture démocratique... Aujourd’hui, c’est au peuple congolais de faire le reste", fait remarquer le secrétaire général de l’UDPS, Jean-Marc Kabund.

Félix Tshisekedi : "aucun autre dialogue ne sera accepté" (Vidéo)
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"Etienne s’est battu pour le multipartisme, il l’a obtenu. Il s’est battu pour la liberté d’expression et pour beaucoup d’autres libertés dont jouissent les Congolais aujourd’hui. Il est vrai que la démocratie n’est pas celle qu'il souhaitait, mais ce sont des jalons qui ont été posés. Nous pensons qu’avec l’effort de tous, nous y arriverons", répond le dirigeant de l’UDPS quant à l’héritage du défunt.

"La démocratie n’est pas spontanée, c’est plutôt un processus. Nous nous y sommes engagés. Etienne Tshisekedi a largement contribué au processus comme acteur de premier rang. Nous ne pourrons plus reculer ", a témoigné sur VOA Afrique le porte-parole du gouvernement, Lambert Mende qui a aussi travaillé aux côtés de l’opposant historique.

Le Congo qu’Etienne Tshisekedi a laissé, s’est embourbé davantage dans une crise aggravée par la non-tenue des élections fin 2016.

Les Congolais contestataires, qui semblaient même s’endormir après la disparition de l’homme qui paralysait le pays par des villes-mortes, commencent à se réveiller avec l’implication des églises.

>> Lire aussi : L'opposition reconnaît son échec sur les marches interdites en RDC

Des marches à l’appel des laïcs catholiques, réprimées dans le sang, se suivent pour exiger l’application de l’accord politique négocié avant la mort d’Etienne Tshisekedi.

Cet accord considéré par beaucoup comme le testament du défunt, souffre de l'absence de son application complète réclamée notamment par les évêques catholiques médiateurs.

>> Lire aussi : Mobilisation limitée pour l'appel de l'opposition en RDC

Selon les dernières prévisions de la CENI (Commission électorale nationale indépendante), l’hypothétique présidentielle pourrait avoir lieu le 23 décembre 2018, couplée aux législatives.

Héritage politique de Tshisekedi

Les acteurs politiques et les observateurs reconnaissent tous le rôle joué par l’icône politique qu’était l’opposant historique dans l’instauration de la démocratie dans le pays.

>> Lire aussi : Le Premier ministre et l'opposition se disputent l'UDPS en RDC

"Etienne Tshiskedi a réussi à enlever la peur et à imprimer la force de résister contre la dictature", soutient Daniel Safou, ancien journaliste qui a désormais pris la casquette d'opposant au régime de Kinshasa.

Mais la réalité est qu’aujourd’hui, la peur a semblé regagner le cœur d’un bon nombre de Congolais face à la répression de Kinshasa que dénoncent les défenseurs des droits de l’homme.

Les appels de l’opposition à manifester n’étaient plus tellement suivis après le décès d’Etienne Tshisekedi.

La voix entendue, est plutôt celle des églises qui ont appelé aux deux dernières marches mieux suivies.

L’héritage politique, c’est aussi et surtout le parti divisé et qui va en ordre dispersé à des congrès pour remplacer au fauteuil du président son défunt leader.

Une branche, désormais dirigée par l’actuel Premier ministre Bruno Tshibala, a désigné celui-ci comme président du parti, en décembre. Mais pour éviter l’incompatibilité avec ses responsabilités d'état, M. Tshibala a cédé sa nouvelle fonction au parti à Tharcis Loseke.

Ce qui est bien sûr contesté par les autres branches. Celle conduite indirectement par Félix Tshisekedi Tshilombo, le fils du défunt chef de file, la première. Son secrétaire général, Jean Marc Kabund annonce pour le mois de février le congrès "historique" qui donnera à l’UDPS le successeur "légal" d’Etienne Tshisekedi.

Kabund : "le pouvoir de Kinshasa craint une révolution avec le rapatriement du corps de Tshisekedi" (vidéo)
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Le tribunal n’a pas pu départager les deux factions, les qualifiants toutes de "faussaires" au regard des statuts du parti tripatouillés par Etienne Tshisekedi lui-même quelque temps avant sa mort.

"Etienne Tshisekedi aux côtés duquel j’ai évolué un moment était le modèle d’un homme de convictions et il l’a été jusqu’à l’obstination. Il a beaucoup contribué à l’affaiblissement du régime Mobutu même s’il n’a pas réussi à le faire tomber. Mais il portait aussi en lui les tars de l’autocentrisme caractéristiques de beaucoup d’hommes politiques africains. Sa lutte a été un grand pas pour la démocratie au Congo. Sauf que le Congolais n’a pas, lui, changé. Au niveau de son parti, il l’a dirigé comme une propriété personnelle. Il laisse ainsi une organisation inachevée sur le plan de la démocratie", a commenté le porte-parole du gouvernement Lambert Mende de passage à la rédaction de VOA Afrique à Washington.

"Il n’y a pas un goût d’inachevé", rétorque M. Kabund rappelant que l’UDPS est un patrimoine de la RDC.

>> Lire aussi : Kabund : "Kinshasa craint une révolution avec le rapatriement du corps de Tshisekedi"

M. Kabund dénie, au passage, aux camps de Tshibala et aux autres factions de parler au nom du parti parce qu’exclus ou auto-exclus. Le secrétaire général proche de Félix Tshisekedi explique que certaines institutions du parti prévues par le défunt Tshisekedi pour le remplacer, ne pouvaient exister que dans l’hypothèse où le parti accédait au pouvoir. Ce qui n'a jamais été le cas depuis la chute de Mobutu. Lesdites institutions n’ont donc jamais existé.

Pour M. Kabund, le secrétaire général qu’il est, représente le triumvirat devant diriger le parti en cas d’absence définitive d’Etienne Tshisekedi, les deux autres organes n'ayant jamais été mis sur pied.

L’opposant historique, premier docteur en droit de la RDC, avait, en effet, réécrit les statuts du parti, y incluant un triumvirat qui devait réunir le secrétariat général, la convention démocratique et la Commission électorale du parti pour gérer l'après lui. La maladie a eu raison de lui sans qu'il n'ait eu le temps de mettre sur pied ces organes.

Pour certains critiques, ce changement ne visait entre autres qu’à positionner son fils M. Félix, aujourd’hui adjoint de M. Kabund et à la tête du Rassemblement, plateforme qui s’est formée autour d’Etienne Tshisekedi en vue du dialogue de 2016 avec le pouvoir pour reporter les élections.

>> Lire aussi : RDC : ça brûle au sein du Rassemblement aile Félix Tshisekedi

" Il y a eu par ci par là des activités pour, pour certains, organiser un congrès. D’autres préparent aussi un congrès. Mais nous, nous préparons un conclave parce que depuis que le président Tshisekedi est mort, nous ne l’avons pas encore remplacé. Et tous ceux qui se réclament des présidents intérimaires ou quelques choses comme ça aujourd’hui, c’est de l’anarchie. Vous savez qu’aucun article de nos statuts ne permet à quiconque parmi nous de briguer la vacance laissée par Etienne Tshisekedi. C’est l’article 26 de nos statuts. Et nous sommes en train de travailler là-dessus pour pouvoir le remplacer ", tranche Valentin Mubake, conseiller politique avant sa mort.

M. Mubake est aussi à la tête d’une faction du parti. Il suggère, lui, de recourir à la jurisprudence du conclave qui a eu lieu à 1994 à Bondeko (Kinshasa) et de doter le parti d’un présidium avec quatre présidents.

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