"Nos dirigeants ont le courage de prendre le pouvoir, mais ils n'ont pas le courage d'affronter les réalités", affirme l'artiste âgé de 59 ans lors d'un entretien avec l'AFP le 6 octobre, à l'approche de la COP26, qui se déroulera à Glasgow (Ecosse) à partir de dimanche.
Il décrit les hommes et femmes politiques qui minimisent ou nient le réchauffement climatique comme "absolument irresponsables" et dans le "déni".
"En Afrique, il ne peut pas y avoir cette même hypocrisie, cette mauvaise foi, car la réalité (du réchauffement climatique) est déjà là", dit-il depuis le jardin luxuriant de sa maison de Cotonou, la capitale économique du Bénin.
A quelques mètres de chez lui s'étend sur des kilomètres la plage de Fidjrossè, la "route des pêches", où la montée des eaux s'observe depuis plusieurs années.
"Le degré de température de l'eau et de l'air augmente. Quand on regarde sur nos côtes, on a plein d'algues qui ne s'échouaient pas avant ou d'autres au contraire qui sont grillées et qui ne résistent plus à cette chaleur", avance-t-il.
- "Survie" -
"Au Bénin, nous sommes un pays d'eau et, chaque année, il y a des dégâts liés aux inondations (...) on ne peut pas continuer à aller droit dans le mur", souligne l'artiste.
Les pays du continent africain sont particulièrement vulnérables au changement climatique qui a contribué en 2020 à aggraver l'insécurité alimentaire, la pauvreté et les déplacement de population, selon un rapport de l'ONU publié le 19 octobre.
Si rien ne change, jusqu'à 118 millions de personnes extrêmement pauvres seront d'ici 2030 exposées à la sécheresse, aux inondations et aux chaleurs extrêmes sur le continent, selon ce même rapport.
"Ça va nous revenir à la gueule", insiste M. Hazoumé. "Avec la montée des eaux, il y a des îles et des pays qui vont disparaître. Il y a des populations qui vont être effacées de la Terre".
"On n'a pas le choix, ça sera une question de survie", lance-t-il.
D'habitude très critique envers les gouvernants, M. Hazoumé, qui utilise depuis les années 1980 les déchets comme matériaux de récupération, dit garder "espoir".
Il salue par exemple la gestion faite depuis cinq ans des déchets dans les grandes villes béninoises. "Les routes sont nettoyées chaque nuit et il n'y a plus d'ordures qui bouchent les caniveaux, cela me donne espoir", dit-il.
- "Donneurs de leçon" -
Lors de la saison des pluies, de très nombreuses villes en Afrique subsaharienne deviennent totalement impraticables. Bouchés par les ordures, les caniveaux ne parviennent plus à absorber les torrents d'eau.
Ces inondations, parfois meurtrières, sont une catastrophe pour les citadins vivant dans des habitats précaires.
Mais "nous pouvons y arriver, il faut de la volonté, les pays africains peuvent y arriver, et ne pas se positionner toujours comme des victimes", lance M. Hazoumé.
Il y a cinq ans, M. Hazoumé avait participé à la COP22 qui s'était déroulée à Marrakech au Maroc: "Il y avait une tribune où je devais parler, mais j'étais tellement en colère quand je voyais ce qu'il se passait, les gros pollueurs qui donnaient des leçons à des petits pays", lâche-t-il.
"Combien d'usines avons-nous dans nos petits pays ? Les vrais pollueurs, on les connaît", insiste-t-il en citant "les grandes industries comme la Chine".
Pour autant, l'artiste engagé appelle également à une responsabilité individuelle. Et cela commence par des gestes du quotidien: ne plus jeter ses déchets dehors et garder chez soi ceux qui sont biodégradables.
"Il faut savoir aussi ce dont on est responsable et ne pas accuser les autres", dit-il.