Il y a deux ans, le quadragénaire a commencé à utiliser Farmerline, qui fournit des mises à jour météorologiques, les derniers prix du marché et quantité d'autres détails directement sur son téléphone mobile de deuxième génération.
Jusque-là, les informations dont l'agriculteur avait besoin étaient diffusées à la radio, mais souvent n'étaient pas adaptées à sa région, à son cas particulier pour lui permettre d'améliorer son rendement en laitues, en oignons, en choux ou en piments.
Farmerline "nous a aidé à améliorer nos productions grâce à l'information que nous obtenons, cela nous a facilité les choses par rapport à notre système précédent", explique-t-il à l'AFP.
L'application, créée en 2012, est aujourd'hui utilisée par quelque 200.000 agriculteurs dans 10 pays différents.
Près de la moitié de la population active au Ghana travaille dans l'agriculture et un peu plus de 50% du territoire est cultivé, d'après des chiffres du gouvernement ghanéen datant de 2014.
Et, selon la Banque mondiale, environ 80% de la production agricole provient de petits paysans installés dans des exploitations familiales dont la superficie moyenne est inférieure à deux hectares.
Le manque d'outils modernes et d'informations est un obstacle majeur pour les agriculteurs du Ghana, les empêchant d'optimiser leur production ou encore d'accéder à des prêts financiers.
Farmerline offre une large gamme de services pour les agriculteurs et ceux qui souhaitent entrer en contact avec eux, qu'il s'agisse d'organisations non-gouvernementales, de multinationales de l'agroalimentaire ou encore d'entreprises locales.
Les entreprises peuvent même accéder aux données et aux services de comptabilité des exploitations agricoles, ainsi qu'aux profils des agriculteurs et aux cartographies des fermes.
Pour les agriculteurs, des conseils agricoles sont également dispensés par messages vocaux dans des dialectes locaux comme le Twi.
Boom technologique
Le modèle commercial de Farmerline est un motif de fierté pour son directeur général et cofondateur, Alloysius Attah, qui espère ainsi briser le cycle de la pauvreté et réduire la dépendance aux aides de l'Etat.
"L'agriculture a toujours été une question de subventions", affirme M. Attah. "Mais nous travaillons très dur pour montrer qu'il est possible de créer une entreprise qui valorise les agriculteurs et ... d'être payé pour les valeurs que l'on crée".
Farmerline a remporté mardi le prix international Roi Baudouin pour le développement, qui récompense "des contributions exceptionnelles au travail de développement en Afrique".
Les deux autres gagnants étaient un cabinet de services juridiques en ligne en Ouganda, BarefootLaw, et Kytabu qui fournit des contenus scolaires en ligne pour les étudiants du Kenya. Chacun a reçu 75.000 euros.
Selon ses organisateurs, le prix est basé sur l'idée que "l'entrepreneuriat et le leadership local, plutôt que l'assistance traditionnelle, sont la clé d'un changement durable".
Le gouvernement ghanéen a bien compris l'intérêt de doter l'agriculture d'outils modernes, et souhaite par exemple cartographier les fermes de cacao et collecter davantage de données sur celles-ci.
Au Ghana, plusieurs start-up comme Farmerline travaillent aussi à renforcer la sécurité alimentaire grâce à un meilleur accès à l'information dans le petit pays anglophone d'Afrique de l'Ouest, et au-delà.
Depuis fin 2016, la société Ghalani fait de la collecte de données une priorité, en numérisant les registres manuscrits des agriculteurs.
Elle donne également aux agriculteurs la possibilité d'accéder à des logiciels pour mieux répertorier leurs activités et produire des rapports susceptibles de favoriser leurs chances d'obtenir un financement.
CowTribe utilise la technologie mobile pour mettre en lien les éleveurs du nord du Ghana avec des vétérinaires, tandis que la start-up Hovver utilise des drones pour aider les agriculteurs à cartographier leurs terres.
M. Attah assure que le prix remporté cette semaine "change sa vie".
Il travaille déjà sur un autre projet: une application qui mettra en contact les banques et les agriculteurs ayant besoin de prêts, permettant de prévoir la somme empruntée et la période de remboursement, sans garanties à fournir.
Avec AFP