Car, depuis son élection surprise en 2016, ce président d'un pays en guerre civile limitait ses déplacements, sous la garde très rapprochée de Casques bleus et d'agents de sécurité privés russes.
Ce natif de Damara, à 60 km au nord de Bangui, jouissait d'une certaine popularité et d'une réputation de "bosseur", compétent mais à la personnalité modeste et effacée.
"Trop discret", jugent ses zélateurs. Mais, pour ses contempteurs, il est le pilier d'un régime qu'ils qualifient de " prédateur" dans un pays pourtant miné depuis des lustres par la corruption.
Naïf ou cynique, selon ses ennemis, épris de paix selon ses partisans, M. Touadéra a conclu un accord de paix en 2019 à Khartoum avec les 14 groupes armés, intégrant des chefs de guerre au gouvernement ou à l'administration.
Un "accord de dupes" pour l'opposition. Près de deux ans plus tard, trois des principaux groupes signataires, qui contrôlent toujours les deux tiers du pays, tentent de marcher sur Bangui pour le renverser, et les autres continuent de se disputer les richesses minérales de la Centrafrique en menant sporadiquement des attaques contre les civils et l'armée.
Professeur de mathématiques
Un immense défi attendait ce professeur de mathématiques pures, diplômé de l'université de Lille, (nord de la France), et d'un doctorat d'État à Yaoundé: relever un pays et une population meurtris par la guerre civile, une économie totalement détruite, et regagner un immense territoire sous la coupe des groupes armés.
Les partisans de ce président de 63 ans ne manquent pas d'égrener des réalisations, largement financées par la communauté internationale: reconstruction de l'armée, l'Éducation passée de 8 % à 14 % des dépenses du budget, gratuité des soins pour les femmes enceintes et les enfants jusqu'à 5 ans, paiement plus régulier des fonctionnaires...
"La Centrafrique revient de loin, le président Touadéra est en train de redresser ce pays", assure Éric Sorongope, dirigeant d'un parti de la majorité.
Mais ce bilan ne lui a jamais permis de gagner les cœurs d'une frange importante de la population du deuxième pays le plus pauvre du monde, selon l'ONU, et qui endure depuis des décennies coups d'État, régimes autoritaires et guerres civiles.
"Touadéra a un profil technocratique, ce n'est pas un politicien", avance Hans de Marie Heungoup, spécialiste de la Centrafrique à l'International crisis group (ICG).
Sans base électorale avant 2016, il est soutenu par un parti monté de toutes pièces en 2018 seulement, qui a fédéré une quarantaine de mouvements.
Ancien Premier ministre (2008-2013) de François Bozizé, renversé en 2013, qu'il accuse aujourd'hui de mener la rébellion, M. Touadéra a donc dû, quatre années durant, naviguer et composer avec les divers clans qui l'avaient porté au pouvoir.
"L'un des défauts fondamentaux de Touadéra, c'est qu'il ne sait pas décider", juge un diplomate étranger, ajoutant : "Quand un dossier est compliqué, il le repousse aux calendes grecques. Il est allergique à l'arbitrage, et entouré de gens qui lui ressemblent".
Accalmie
Se présentant comme un " homme de paix" face aux chefs de guerre, il a donc opté pour le dialogue et signé l'accord avec les groupes armés.
Cela lui a aliéné une partie importante de la population exposée à leurs exactions. "Cet accord a fragilisé le président", analyse Thierry Vircoulon, expert de l'Afrique centrale à l'Institut français des relations internationales (Ifri).
D'un autre côté, dans un pays lassé par les conflits, une partie de la population apprécie la constance du président, qui n'a jamais dévié de sa politique de la main tendue. Et lui sait gré de l'indéniable accalmie dans les combats depuis bientôt trois ans.
Mais il a montré peu d'empressement à endiguer la corruption endémique, accuse l'opposition. "De multiples scandales de corruption et de gouvernance concernant certains ministres ont entaché son mandat. Quand bien même vous voulez faire dans le technocratique, encore faut-il une gestion efficiente", rappelle Hans de Marie Heungoup.
Ses opposants, mais aussi Paris qui voit d'un mauvais œil sa perte d'influence dans son ancien pré carré, estiment aussi que M. Touadéra s'est trop rapproché de Moscou, au point de livrer à des groupes russes des pans entiers des ressources naturelles, notamment le diamant et l'or.