"Il habite ici? C'est incroyable!", s'exclame Adama Kone, un Mauritanien de 35 ans. Dans ce foyer de migrants de Montreuil, à l'est de Paris, envahi de caméras depuis deux jours, plusieurs résidents découvraient encore ces dernières heures que l'homme dont la vidéo a été vue des millions de fois est l'un des leurs.
En escaladant à mains nues la façade d'un immeuble parisien pour sauver un enfant de 4 ans suspendu à un balcon, Mamoudou Gassama, un Malien de 22 ans en situation irrégulière en France, a accédé à une notoriété fulgurante et obtenu du président la promesse de devenir français.
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Première étape avant la naturalisation, il a déjà reçu mardi un document officiel régularisant sa situation.
De quoi faire rêver les centaines d'autres migrants originaires du Mali, du Sénégal et de Mauritanie qui vivent là dans des conditions précaires, économisant l'argent gagné dans des petits boulots pour l'envoyer au pays.
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Ouvert depuis 1969, le foyer de l'association Coallia est prévu pour accueillir 430 travailleurs migrants mais, de l'aveu de tous, en abrite bien davantage. Mamoudou Gassama lui-même était hébergé "par solidarité" dans la chambre de quatre proches de son village de Yaguine, dans l'ouest du Mali.
Une chambre que leur père avait occupée avant eux, explique son frère Birama, de 30 ans son aîné. Il montre la pièce exiguë: deux lits superposés, un petit espace au milieu où Mamoudou a l'habitude de glisser son matelas et, posée sur un frigo, la télé qui diffuse les images de sa rencontre avec Emmanuel Macron.
"En tant qu'étranger je suis trop content" qu'il ait été reçu à l'Elysée, sourit Birama. "Il aurait pu tomber et mourir. C'est un vrai héros".
"Vie de misère"
Dans les couloirs encombrés de lits de camp repliés et de réchauds, la vidéo tourne en boucle sur les téléphones. Comme au pied des bâtiments aux rebords de fenêtre chargés de nourriture et de linge qui sèche, où des grappes d'hommes de tous âges discutent. Tous disent leur incrédulité, leur "fierté" et saluent la "chance" du jeune sans-papiers.
Près de l'étal d'un vendeur de viande qui balaie régulièrement l'air pour chasser les mouches, Mahamadou semble toutefois un peu amer.
"Le président, il devrait régulariser tout le monde", estime le jeune homme de 26 ans, qui se présente comme un ami d'enfance du héros du jour.
Il a le sentiment que seul un exploit insensé lui permettrait désormais d'obtenir des papiers et de s'en sortir: "On doit être jaloux de lui, pour se donner la force de faire un acte de bravoure comme ça."
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Un camarade rigole devant sa moue dépitée: "Mamoudou a la chance d'avoir fait la différence", lance-t-il.
En aparté, les résidents décrivent une "vie de misère" dans ce foyer défraîchi où "on dort les uns sur les autres".
"Sans la solidarité, on est foutus ici", affirme Galadio Diakité, un Malien de 50 ans arrivé en France en 1989 et qui a vécu pendant 11 ans sans papiers avant d'être régularisé.
En évoquant ces années-là, il glisse dans un sourire triste que c'est cette galère qui attendait Mamoudou Gassama s'il n'avait pas été filmé en train de sauver un enfant.
Quelque 300.000 sans-papiers vivent en France selon le gouvernement, davantage selon les associations.
L'an dernier, 30.000 ont été régularisés.
Avec AFP