L'ancien président de la République (2007-2012), qui conteste les faits, comparaîtra devant le tribunal correctionnel pendant quatre mois pour corruption passive, association de malfaiteurs, financement illégal de campagne électorale et recel de détournement de fonds publics libyens.
Sur le banc des prévenus, il sera convoqué aux côtés de douze autres personnes, parmi lesquelles trois de ses anciens ministres de droite : deux anciens ministres de l'Intérieur et proches de Nicolas Sarkozy, Claude Guéant et Brice Hortefeux, ainsi qu'Eric Woerth, ex-trésorier de la campagne présidentielle suspecte.
Nicolas Sarkozy, 68 ans, a toujours vigoureusement contesté les faits et multiplié les recours contre sa mise en cause. "Sous réserve" de "recours", l'audience se tiendra "entre le 6 janvier 2025 et le 10 avril 2025", a précisé le procureur national financier dans un communiqué.
"Pacte de corruption"
Après dix ans d'investigations, les deux magistrates en charge de l'enquête ont globalement suivi les réquisitions du Parquet national financier (PNF) qui estime que Nicolas Sarkozy avait une "parfaite connaissance" des agissements reprochés à ses proches.
Dans leur ordonnance de 557 pages signée jeudi, dont l'AFP a eu connaissance, elles évoquent une enquête tentaculaire confiée à l'Office anticorruption (Oclciff) et qui a pâti du "peu de moyens humains", de l'"absence de volonté politique en France (quelle que soit la période) pour faire la transparence sur ces faits", ainsi que des "manipulations" et autres "déstabilisations". Elles soulignent qu'"il apparaît qu’un pacte de corruption a été noué entre Nicolas Sarkozy et Mouammar Kadhafi aux fins de financement de l’élection du premier".
Deux hommes d'affaires, soupçonnés d'avoir servi d'intermédiaires, apparaissent au coeur du dossier : le Franco-libanais Ziad Takieddine, en fuite au Liban et qui devrait donc être le grand absent de l'audience, et le Franco-algérien Alexandre Djouhri.
M. Takieddine, l'accusateur principal dans ce dossier, affirmait, avant de changer de version puis d'y revenir, avoir remis, entre fin 2006 et début 2007, 5 millions d'euros à Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'Intérieur, et à son directeur de cabinet Claude Guéant.
L'information judiciaire avait été ouverte en avril 2013 sur le fondement d'accusations de dignitaires libyens lancées dès 2011, d'assertions de M. Takieddine et d'un document publié par le journal d'investigations en ligne Mediapart, entre les deux tours de la présidentielle de 2012, perdue par M. Sarkozy. M. Sarkozy avait contesté l'authenticité ce document.
Contreparties
Abondants témoignages parfois antérieurs à 2011, notes des services secrets de Tripoli, mouvements de fonds "atypiques et troubles", matérialisation d'un certain nombre de contreparties... Les magistrats ont réuni une somme d'indices troublants pour étayer la thèse de fonds libyens qui auraient bénéficié à la campagne de l'ancien président ou à son entourage.
"Vous n'avez ni les preuves de l'arrivée, ni les preuves de la sortie concernant l'argent (...) Où est l'argent ?", s'était défendu fin 2020 l'ex-chef de l'Etat de droite, lors d'un interrogatoire. Claude Guéant "a toujours fait valoir qu’aucune infraction ne pouvait lui être reprochée (...), ce qu’il démontrera" lors de l'audience, a réagi vendredi son conseil, Me Philippe Bouchez El Ghozi.
Côté parties civiles, c'est la satisfaction. Me Vincent Brengarth, avocat de l'association anticorruption Sherpa, a salué "un travail extrêmement minutieux de la juridiction d'instruction" qui "ouvre la voie à un procès totalement historique visant un ancien chef de l'Etat".
Déjà condamné à de la prison ferme dans deux autres dossiers, dont l'un doit être jugé en appel, l'autre faisant l'objet d'un pourvoi en cassation, Nicolas Sarkozy devra donc affronter un troisième dossier judiciaire.
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