Alors que les éboueurs et les employés du secteur énergétique étaient eux aussi en grève pour réclamer un service public national, la grogne se poursuivait également dans les airs, avec une quatrième journée de grève en un mois du personnel d'Air France, qui réclame une augmentation générale des salaires.
Face à ce cortège de mécontents, notamment des cheminots fortement mobilisés contre la réforme du secteur ferroviaire, "le gouvernement tiendra bon, dans l'écoute, dans la concertation, dans le dialogue", a assuré la ministre des Transports Elisabeth Borne, sur la radio RMC.
>> Lire aussi : Les réformes du président Macron à l'épreuve des manifestations en France
La grève "très massive", selon le syndicat CGT, semait la pagaille sur les rails, empruntés chaque jour par 4,5 millions de Français. Près d'un cheminot sur deux (48%) était en grève et jusqu'à plus de trois sur quatre chez les conducteurs (77%), a estimé la direction de la SNCF.
Seul un TGV (train à grande vitesse) sur huit et un train régional sur cinq circulaient. Le trafic international était à peu près épargné, avec trois Eurostar sur quatre et une circulation quasi normale sur les Thalys vers la Belgique.
"Je comprends qu'ils veuillent défendre leur bifteck, mais il y a peut-être d'autres moyens de le faire", soupirait Pascal Lasnier, cadre dans une banque de 44 ans, qui voyage fréquemment entre Lille (nord) et Paris.
Engagés dans une "guerre d'usure", selon le quotidien le Figaro, les syndicats ont programmé une grève de deux jours tous les cinq jours jusqu'à la fin juin, soit 36 jours de débrayage au total.
Les cheminots protestent contre la suppression de l'embauche à un statut spécial, les modalités d'ouverture à la concurrence ou encore la transformation de la SNCF en société anonyme, qui ouvre selon eux la voie à une future privatisation, ce que nie le gouvernement.
Les syndicats, bien que divisés et peu représentatifs (11% de salariés seulement sont syndiqués en France), espèrent gagner le soutien de l'opinion publique dont une petite majorité se dit pour l'instant hostile à la grève, selon les sondages.
Jusque-là, les mobilisations sociales du début du mandat de M. Macron, élu en mai 2017 sur un programme réformiste et pro-européen, n'ont pas eu suffisamment d'impact pour faire fléchir l'exécutif.
En s'attaquant à un bastion qui salarie 147.000 personnes et qui a reçu le soutien de douze partis de gauche, le gouvernement change de braquet. Pour l'instant, il affiche une "détermination tranquille et totale" tout en prévoyant "un mouvement social très lourd".
Le Premier ministre Edouard Philippe a ainsi demandé à sa majorité de rester groupée et soudée face à l'adversité, "dans la logique de la tortue romaine", comme le rapporte une source parlementaire.
- 'Bataille politique' -
Pour justifier la réforme, le gouvernement met en avant la dette abyssale de l'opérateur public (46,6 milliards d'euros fin 2017 pour SNCF Réseau) à l'heure de la prochaine ouverture à la concurrence européenne et martèle que "faire rouler un train en France coûte 30% plus cher qu'ailleurs".
Au-delà du gouvernement, c'est surtout le président Macron qui joue gros sur ce dossier. Le chef de l'Etat s'est pour l'instant tenu en retrait, mais il a tellement accusé ses prédécesseurs d'immobilisme et de peur de réformer qu'il peut difficilement se permettre de reculer face aux cheminots, comme l'avait fait un gouvernement de droite en 1995.
Critiqués par le parti socialiste qui déplore une "grève de la négociation", le président Macron et son gouvernement ont reçu un soutien plus ou moins appuyé de la droite.
"C'est une bataille politique, fondamentale pour le président de la République et le gouvernement", a estimé mardi Dominique Bussereau, ancien ministre des Transports de Nicolas Sarkozy, qui appelle le gouvernement à "convaincre les Français du bien fondé de cette réforme".
Alors que les étudiants, les fonctionnaires et les retraités ont tous battu le pavé ces dernières semaines, la CGT appelle à la "convergence des luttes" et espère une coagulation des revendications pour défendre le service public et le fameux "modèle social français".
"Les cheminots ne font pas grève par plaisir", a souligné sur France inter le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, "c'est le gouvernement qui ne veut pas écouter".
Laurent Berger, secrétaire général du syndicat CFDT, a pour sa part appelé à des discussions pour "éviter un conflit dur qu'(il) ne souhaite pas".
Avec AFP