Mais au contraire de son père, éternel "opposant historique", "Félix" a réussi à bousculer le "dauphin" désigné du président sortant Joseph Kabila, qui ne pouvait constitutionnellement se présenter pour un troisième mandat.
En 2011, Étienne Tshisekedi, battu, n'avait pu que dénoncer des fraudes lors de la réélection contestée de M. Kabila.
"Fatshi" - surnom du président élu - était soutenu dans ce combat par la machine de guerre de l'Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), fondée par son père dans les années 80 contre la dictature du maréchal Mobutu.
Tshisekedi fils, 55 ans, a été désigné sans surprise président et candidat de l'UDPS lors d'un congrès en avril dernier au siège historique du parti à Limete, une des 26 communes de Kinshasa.
Mais au delà d'être son "héritier", Félix n'est pas le portrait politique craché du "sphynx de Limete", surnom de son défunt père.
"Etienne était têtu et fier. Félix est plus diplomate, plus conciliant, plus à l'écoute des autres", témoigne un bon connaisseur de l'opposition congolaise.
Facilement reconnaissable à sa haute taille et à sa carrure massive, l'homme est en effet d'un abord courtois, à l'écoute. Le ton de la voix est mesuré dans le tourbillon des passions électorales.
Et contrairement à son père en 2011, il faisait équipe avec un "ticket", l'ex-président de l'Assemblée Vital Kamerhe, également candidat sous son propre nom en 2011.
Les deux hommes ont rompu en novembre un accord qu'ils avaient signé avec cinq autres opposants pour soutenir la candidature d'un seul d'entre eux, Martin Fayulu, arrivé deuxième du scrutin selon les résultats annoncés dans la nuit de mercredi à jeudi par la Commission nationale électorale indépendante.
Mais aux critiques l'accusant d'avoir rompu l'unité de l'opposition, les proches de "Félix" rétorquaient qu'il n'avait fait qu'écouter la "base" de l'UDPS, en colère contre l'accord.
- Exil en Belgique -
Né en juin 1963, Félix-Antoine Tshisekedi est le troisième d'une famille de cinq enfants. A l'âge de 19 ans, il suit son père relégué par Mobutu dans son village du Kasaï. Un épisode marquant pour le jeune homme.
A 22 ans, "Fatshi", sa mère et ses frères prennent le chemin de l'exil en Belgique. A Bruxelles, le jeune homme fait le coup de poing contre des proches de Mobutu ou même des policiers belges, un soir de février à l'aéroport, quand son père est empêché de rentrer à Kinshasa.
Dans l'ombre de la figure paternelle, Félix gravit tous les échelons de l'UDPS. Luba du Kasaï, il est élu député national à Mbuji-Mayi en 2011. Il refuse de siéger à l'Assemblée nationale pour respecter le mot d'ordre de son père contre la réélection contestée de M. Kabila.
En 2015, il était au coeur des négociations secrètes qui n'avaient pas abouti avec des émissaires de Joseph Kabila à Ibiza (Espagne), Monaco, Paris et Bruxelles.
Fin 2016, juste avant la mort de son père, il est encore aux avant-postes des négociations majorité/opposition sous l'égide de l'Eglise catholique, qui allait déboucher sur l'accord de la Saint-Sylvestre reportant les élections.
Tshisekedi fils aurait alors refusé un poste de Premier ministre, tandis que le président Kabila se maintenait au pouvoir au-delà de la fin de son deuxième et dernier mandat.
Marié, père de cinq enfants, diplômé en marketing et communication en Belgique, son dossier de candidature a été validé sur fond de rumeurs. Ses détracteurs mettent en doute la validité de ses diplômes. Ils lui reprochent également de n'avoir jamais exercé une fonction de responsabilité ou de gestion.
En cas d'alternance, M. Tshisekedi évoquait en août 2017 devant l'AFP "une commission vérité et réconciliation" notamment pour demander des comptes à M. Kabila.
Ces derniers jours, il avait tendu la main au président sortant, affirmant qu'il est "évident qu'il pourra vivre tranquillement dans son pays, vaquer à ses occupations, il n'a rien à craindre".
Et son accession au pouvoir devrait lui permettre de réaliser enfin un rêve: organiser des funérailles nationales pour son père. La dépouille du "Sphynx" se trouve toujours en Belgique, faute d'accord pour les obsèques au pays avec le pouvoir. "Je n'aime pas en parler, c'est une souffrance," disait le désormais président élu.
Avec AFP