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Gabon: une semaine après, le traumatisme de l'assaut du QG de Jean Ping reste profond


Des voitures brûlées ont été brulées à l’extérieur d'un bâtiment du gouvernement à la suite des manifestations post-électorales à Libreville, au Gabon, 1 septembre 2016.
Des voitures brûlées ont été brulées à l’extérieur d'un bâtiment du gouvernement à la suite des manifestations post-électorales à Libreville, au Gabon, 1 septembre 2016.

Une semaine après l'assaut par les forces de sécurité du QG de l'opposant gabonais Jean Ping à Libreville, ses partisans présents sur les lieux dans la nuit du 31 août au 1er septembre restent profondément traumatisés par la violence déployée, qui nourrit son lot de questions sans réponse, à commencer par le nombre de victimes.

Dans ce pays d'Afrique centrale d'à peine deux millions d'habitants, peu habitué à la violence malgré de précédentes crises post-électorales, le souvenir de cette nuit-là hante les centaines de Gabonais présents au QG lors de l'opération des forces de l'ordre.

Des photos de corps meurtris et de mares de sang circulent encore sur internet, sans qu'il soit possible de déterminer leur origine.

Tout a commencé mercredi 31 août dans l'après-midi, à la proclamation de la victoire contestée d'Ali Bongo Ondimba. Après des émeutes et l'incendie de l'Assemblée nationale, les partisans de Jean Ping refluent vers le bâtiment cossu de cinq étages le long de la voie express de Libreville, situé non loin de la résidence de l'opposant.

Dans la cour ou dans l'immeuble, ils sont plusieurs centaines à veiller en l'absence de leur leader. "J'avais lavé mes chaussettes", raconte un trentenaire qui se fait appeler Makaya pour des raisons de sécurité.

"Vers 23h00, deux hélicoptères font un ou deux tours, lancent des grenades assourdissantes et du gaz lacrymogène", poursuit Makaya.

Un autre témoin, Franck (prénom changé) regarde l'entrée de la cour: "Il arrose, des gars tombent". Le portail est criblé d'impacts. Des hommes cagoulés, vêtus de noir visent les fenêtres des étages.

Tous les témoignages recueillis par l'AFP mettent en cause la Garde républicaine (GR, unité d'élite chargée essentiellement de la protection de la présidence), bien qu'aucun insigne ne permette d'identifier l'unité.

"En entrant dans la cour, ils marchent en formation serrée comme un commando", reprend Makaya qui tente de se défendre avec un extincteur. "Je me suis pris trois coups de crosse dans les dents". Bilan: deux incisives et une canine en moins. "Où sont les armes ? Où sont les armes ?", lui demandent les hommes cagoulés, avant de l'embarquer vers un poste de police.

Les premiers blessés sont évacués à l'intérieur où des infirmiers improvisés les soignent. "On a rien, alors on les désinfecte au (whisky) Black Label", raconte Lisa.

Dans une salle de réunion, un homme agonise sous des affiches de Jean Ping promettant "un Gabon à l'abri de la peur". "Monsieur X", comme l'appellent ses secouristes, meurt dans son sang quelques heures plus tard.

'Au secours, pardon!'

Nuit d'angoisse dans les pièces obscures. "Nous sommes plus de 500 personnes là dedans, c'est saturé, tout le monde se cache. On se déplace à plat ventre", raconte un militant, Ghislain Ledoux.

Malgré la peur d'être pris pour cible, Ghislain et d'autres jettent des coups d'oeil dans la cour. "Des militants se planquent sous les voitures, d'autres courent partout. Les agents cagoulés leur tirent dessus. Ils ramassent aussitôt les corps qui tombent par terre".

Retranchée avec les blessés, Lisa (prénom changé) entend des cris dehors implorant: "Au secours, pardon!". Des rafales, et puis le silence. Lisa regarde par la fenêtre: "Un homme tient les bras d'un corps et un autre tient les pieds. Ils marchent vers la sortie. J'ai vu cette scène à trois reprises". Evacuation de blessés ou de cadavres ? Impossible à dire, selon Lisa.

Au fil de la nuit, Franck entend son voisin, un avocat, chuchoter au téléphone pour demander à Jean Ping l'intervention d'une ambulance du camp militaire français voisin - en vain.

"Toute la nuit, ça a tiré", affirme Ghislain. "On avait qu'une peur, c'est qu'ils nous trouvent".

"Vers 6H00, des gendarmes arrivent devant l'entrée et nous disent: +sortez, on ne vous fera aucun mal+", raconte Franck.

Tous les pro-Ping rejettent la version officielle: "il n'y avait pas d'armes, juste des pierres, au cas où".

"Des personnes armées qui ont incendié le siège de l'Assemblée nationale se sont repliées au QG de Jean Ping en même temps que des centaines de pilleurs et de casseurs (...) Il ne s'agit pas de manifestants politiques mais de criminels", avait déclaré à l'AFP pendant la nuit le porte-parole du gouvernement, Alain-Claude Bilie-By-Nze.

Le jour se lève, les opposants sortent les mains sur la tête. Ils s'étonnent: pas un blessé, pas un cadavre dans la cour. Ils sont conduits en garde à vue par dizaines, sauf une trentaine de leaders politiques, retenus deux jours dans la cour.

Un autre blessé, piégé à l'intérieur de l'immeuble, mourra dans une clinique au petit matin, avaient constaté les journalistes.

Combien de morts au total pendant cette nuit d'effroi ? L'équipe de campagne de Jean Ping avance le chiffre de 17 victimes, impossible à vérifier.

Des centaines d'arrestations ont eu lieu après les émeutes et les pillages et de nombreuses familles recherchent toujours un proche. L'équipe de Jean Ping a ouvert une cellule de recherche des disparus.

Avec AFP

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