Cette fête traditionnelle, qui se déroule tous les ans pendant une semaine début novembre, est devenue une des principales attractions touristiques du pays et donc aussi un enjeu économique pour la ville.
Mais trois semaines après les élections locales en Côte d'Ivoire, la cité historique de Grand-Bassam connaît toujours des troubles quasi-quotidiens liés à la contestation des résultats.
L'Abissa, cérémonie de réconciliation et de pardon du peuple N'Zima, se tient traditionnellement au coeur de l'ancienne ville coloniale classée au patrimoine mondial de l'Unesco qui fut la première capitale de la Côte d'Ivoire.
Mais cette année, la place où se déroule l'Abissa a été abîmée par des émeutiers, des tribunes en bois ont été partiellement brûlées. Dimanche, le roi des N'Zima a été hué par des sujets habillés de rouge, couleur de colère, selon des images qui ont circulé sur les réseaux sociaux.
Le roi est contesté par une partie de son peuple depuis que certains l'accusent d'avoir pris position pour le candidat du pouvoir, sortant ainsi de son rôle apolitique.
A l'extérieur du palais, des troubles ont éclaté : les CRS ont chargé et tiré des grenades lacrymogènes pour disperser des jeunes qui commençaient à s'attrouper.
A cela se rajoute la contestation du maire sortant du Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI, opposition) Georges Ezaley qui ne reconnaît pas sa défaite annoncée par la commission électorale face au candidat du Rassemblement des Houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP, au pouvoir) Jean-Louis Moulot.
'Trop de troubles'
"C'est une minorité, ce n'est pas tout Bassam", a relativisé un conseiller du roi, Etienne Akatia, auprès de l'AFP.
Mais pour plusieurs habitants interrogés la fête n'aura pas lieu.
"On ne peut pas faire l'Abissa dans ces conditions, il y a trop de troubles, trop de critiques", confie une habitante. Un homme réclame que le roi soit "destitué" : "Il a mélangé la politique et le caractère sacré de la royauté".
Personne ne veut donner son nom ni parler devant la caméra de l'AFP. "On a peur", explique un autre homme, montrant d'un geste du bras les policiers déployés.
Les commerçants, eux, redoutent des pertes.
"Ca ne nous arrange pas si l'Abissa est annulé, c'est la période où on peut gagner de l'argent, on a acheté tout un stock de bières", explique Bamba Astou, qui tient une épicerie-bar sur la place.
La situation à Grand-Bassam illustre la bataille qui se joue dans tout le pays entre le RHDP et le PDCI, alliés de 2011 à 2018, mais qui ont brutalement rompu en août dernier en raison des ambitions pour l'élection présidentielle de 2020.
Des recours émanent de tous les camps, aussi bien du PDCI, arrivé deuxième, que du RHDP du président Alassane Ouattara, largement vainqueur.
A Koumassi et Port-Bouët, deux importantes communes populaires d'Abidjan, les résultats sont contestés, à tel point que la CEI a annulé le scrutin de Port-Bouët, donnant lieu là aussi à des troubles. La Cour suprême doit statuer sur les recours d'ici fin novembre.
Aux élections régionales et municipales couplées du 13 octobre, 201 mairies et 31 régions étaient en jeu, soit 232 scrutins au total. Cent-un recours (dont 85 pour les municipales et 16 pour les régionales) ont été déposés devant la cour suprême, contestant les résultats, selon la Commission électorale indépendante (CEI).
La campagne électorale, le vote et le dépouillement ont été émaillés de violences et d'accusations de fraudes à travers tout le pays. Le bilan officiel est de cinq morts.
Avec AFP