L'activité a tourné au ralenti en début de matinée à Kinshasa, la bouillonnante capitale congolaise de plus de dix millions d'habitants.
Le président de l'Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS) avait obtenu à Kinshasa 64% des voix à la présidentielle de 2011 face au président sortant Joseph Kabila, sorti vainqueur de ce scrutin marqué par des fraudes massives.
Mais dès le milieu de la matinée, la vie avait repris un cours normal, même si une minorité de boutiques restaient encore fermées. On ne voyait cependant pratiquement aucun "wewa", ces conducteurs de taxis-motos, originaires du Kasaï (centre du Congo), comme Tshisekedi, et acquis à sa cause.
A Limete, quartier ouest de Kinshasa, environ 2.000 militants de l'UDPS, jeunes pour la plupart, erraient aux abords du siège du parti, de la résidence du "Vieux" et de celle de son fils Félix Tshisekedi, selon un journaliste de l'AFP.
A l'intérieur du siège de l'UDPS, où des policiers avaient évacué manu militari mercredi soir une cinquantaine de personnes qui étaient venues pleurer leur leader, des jeunes femmes témoignent de leur tristesse en pleurant et en chantant en se roulant par terre.
Étienne Tshisekedi est mort mercredi après-midi à Bruxelles, huit jours après avoir quitté le Congo en pleines négociations sur la mise en place d'une transition politique destinée à sortir pacifiquement de la crise provoquée par le maintien au pouvoir de M. Kabila.
Le mandat de M. Kabila est échu depuis le 20 décembre, mais le chef de l'État reste à son poste en attendant la tenue d'une élection permettant de désigner son successeur.
Tshisekedi a commencé sa carrière d'opposant en 1980 en dénonçant l'arbitraire du régime du dictateur Mobutu Sese Seko, dont il avait été l'un des piliers avant de prendre ses distances.
'Élections compromises'
Il a ensuite incarné l'opposition au tombeur du "Léopard", le chef rebelle Laurent-Désiré Kabila, arrivé au pouvoir par les armes en 1997, puis à son fils Joseph, qui lui succèdera après son assassinat en 2001.
Les cadres de l'UDPS devaient se réunir jeudi pour décider de la suite à donner à leur action et de la façon d'organiser les funérailles de M. Tshisekedi.
À Limete, les Congolais partagent leur émotions. Les sympathisants sont allés au siège de l'UDPS et ont partagé leurs larmes. Des échauffourées ont éclaté entre les militants et les policiers.
"Nous allons le pleurer avec honneur et dignité, comme il le mérite", confie un des militants sur place.
"Je suis inconsolable", décrit une Congolaise, "c'était comme un père, quelqu'un qui avait l'amour du peuple".
L'opposition et la majorité ont signé le 31 décembre un accord sur la mise en place d'un régime de transition passant par une cogestion du pays jusqu'à l'élection d'un successeur à M. Kabila, à la fin de l'année.
Mais plus d'un mois plus tard, les discussions sur les modalités pratiques de la mise en oeuvre de cet accord, en particulier celles sur le partage des rôles au sein du gouvernement, sont dans l'impasse.
Pays de plus de 71 millions d'habitants parmi les moins développés de la planète, la RDC, État continent au coeur de l'Afrique, a été ravagé par deux guerres entre 1996 et 2003.
Tout en qualifiant M. Tshisekedi de "père de la démocratie en RD Congo" et en saluant son combat "non-violent", le quotidien pro-pouvoir l'Avenir s'interrogeait sur la "santé" future de l'UDPS tant il est selon lui "difficile, voire impossible de remplacer [...] un monument de la trempe d'Étienne Tshisekedi".
Proche de l'UDPS, le quotidien Le Phare, parle lui d'"un jour noir pour des millions des Congolaises et Congolais qui voyaient en Tshisekedi le symbole de la démocratie renaissante en RD Congo et la soupape de sécurité d'une période de transition qui devrait les amener aux élections".