Le gouvernement italien et l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) ont lancé une campagne à destination des habitants d'une quinzaine de pays d'Afrique de l'Ouest et du Nord pour prévenir les candidats au départ des dangers du voyage.
S'il n'est pas question de dissuader, parmi les milliers de migrants qui débarquent chaque semaine en Italie, ceux qui fuient la guerre et les persécutions, une part croissante d'entre eux "partent à la poursuite d'un rêve et se retrouvent en plein cauchemar", a expliqué le ministre de l'Intérieur, Angelino Alfano.
Il a cité le cas de femmes violées devant leur mari en Libye ou des personnes traumatisées d'avoir vu un proche mourir de soif dans le désert, sous les coups des passeurs ou noyé en mer, où plus de 3.000 migrants ont déjà péri cette année selon l'OIM.
"Tout cela, le savent-ils avant de partir? Ce n'est absolument pas sûr (...). Tous ne savent pas tout, certains ne savent rien", a insisté M. Alfano.
D'autant que les migrants racontent rarement ces souffrances au pays: leur voyage est un investissement financier pour leurs proches et ils se doivent d'en communiquer le succès, a expliqué Federico Soda, responsable de l'OIM pour la Méditerranée.
De plus, les expériences sont parfois "si atroces qu'ils ne veulent pas les revivre en les racontant", a-t-il ajouté.
De nombreux migrants, en particulier d'Afrique de l'Ouest, rencontrés par VOA Afrique en Italie ou juste après leur sauvetage en mer, ont effectivement fait part de leur surprise devant les violences et les conditions extrêmes qu'ils ont affrontées, en particulier en Libye.
Cette campagne "Aware Migrants" (Migrants conscients), dont le budget de 1,5 million d'euros a été fourni par le ministère italien, vise donc à faire passer le message via des clips de témoignages directs diffusées sur les réseaux sociaux, la télévision et la radio des pays visés, à travers des témoignages directs.
Cet effort d'information est un nouveau "levier d'action" face à un phénomène historique qui a vu arriver plus de 400.000 migrants sur les côtes italiennes depuis 2014, a expliqué M. Alfano.
Au grand mécontentement d'une partie de la classe politique et de la population, l'Italie poursuit ses efforts pour aller secourir les migrants au large de la Libye et renforcer ses structures d'accueil, qui hébergent actuellement 135.000 demandeurs d'asile contre 29.000 début 2014.
Le gouvernement de Matteo Renzi (centre-gauche) a même consacré plus de 10 millions d'euros au renflouement d'un chalutier dont le naufrage avait fait plus de 700 morts en avril 2015 afin d'offrir une sépulture digne aux victimes.
Mais parallèlement, en plus du travail des policiers et des magistrats pour lutter contre les réseaux de passeurs, l'Italie défend auprès de l'Union européenne un plan faisant miroiter de nouvelles aides aux pays africains acceptant de reprendre les déboutés du droit d'asile.
"Notre approche humanitaire ne peut fonctionner que si nous affirmons que nous sommes un pays et un continent qui a la force d'accueillir mais aussi de faire respecter les règles", a insisté M. Alfano.
"Nous ne pouvons pas accueillir tout le monde. Nous devons, voulons et pouvons accueillir seulement ceux qui fuient la guerre ou les persécutions", a-t-il martelé, en répétant que les migrants économiques avaient vocations à être renvoyés chez eux.
"Le système européen explosera s'il n'arrive pas à organiser le rapatriement des clandestins", a prévenu le ministre, en précisant qu'en Italie, la part des demandeurs d'asile se voyant refuser toute forme de protection internationale, minoritaire jusqu'en 2014, était montée à 60% depuis 2015.
Avec AFP