Human Rights Watch a mené des entretiens individuels et collectifs avec plus de 160 filles et jeunes femmes, ainsi qu’avec une soixantaine d’autres personnes dans quatre régions du Sénégal.
Alors que le ministère de l’éducation nationale et les enseignants sont montés au créneau pour s’offusquer du contenu de ce rapport, les jeunes eux préfèrent faire face et aborder la question de l’éducation sexuelle sans tabou.
VOA Afrique plonge au cœur du débat en évoquant le sujet avec des jeunes, des parents et des autorités.
Des jeunes commencent à se mobiliser et à s’engager pour mieux vivre leur adolescence en animant l’information sur la santé de la reproduction. Un combat porté par Ndeye Seynabou Gueye qui est le point focal du Ratanga club au Sénégal.
"On a vu que l’éducation sexuelle est tabou chez nous, les jeunes n’en parlent pas, les parents non plus. On a voulu savoir pourquoi il y a cette barrière, pourquoi il y a ce voile autour de ces thématiques qui nous concernent en tant qu’êtres humains mais que nous devons connaître en tant que jeunes parce qu’il ne sert à rien de se précipiter et d’aller vers la tentation, d’aller vers ce que l’on ne connaît pas. Donc puisque l’on a l’occasion et l’obligation de passer l’information et de nous approprier cette information, nous avons dit pourquoi pas ne pas en parler", confie la jeune Gueye.
Si ces jeunes s’investissent autant, c’est parce que l’éducation sexuelle est l’objet de divergences culturelles dans les familles avec des jeunes beaucoup plus tournés vers la modernité et des parents plutôt conservateurs.
Une mère de famille avoue qu’il est difficile d’aborder certains sujets avec ses enfants même si certaines initiatives permettent de contourner ces problèmes.
"Parler de sexe est un peu tabou chez nous surtout chez les mères. La mère ne peut pas parler avec sa fille de sexe. Mais ça tend à disparaitre avec les espaces-dialogues qu’on organise avec les mamans, avec les jeunes pour qu’il n’y ait pas de conflits de génération. Bien que nos cultures nous parlent d’abstinence, mais bon si on ne peut pas, il faut au moins informer la personne pour qu’elle puisse se protéger. Seulement, il faut que les jeunes apprennent à parler et à respecter aussi cette génération qui est un peu sauvegardiste", explique la mère de famille à VOA Afrique.
Pour Dr. Massamba Gueye, il faut respecter les valeurs de nos sociétés traditionnelles et éviter le mimétisme. Le manager de la maison de l’oralité et du patrimoine au Sénégal veut des jeunes sexuellement bien éduqués mais dans le respect des normes sociales.
"Je pense que la question de la sexualité n’a jamais été taboue dans les familles africaines. Je l’entends souvent mais c’est archi-faux. Elle n’a jamais été taboue mais il y a des cercles où il faut le dire. Le tabou c’est ce qu’on ne dit jamais. Ici, il y a des jeunes avec une liberté de parole et de ton entre eux autour de la sexualité. Nous sommes nés dans les villages africains, nous savons cela. Seulement le discours public est un discours organisé. Ce n’est pas parce que dans d’autres pays les gens en parlent en public qu’il faut en parler en public ici. Nous avons des valeurs culturelles, organisons nous par rapport à nos valeurs culturelles pour être conforme à notre inconscient", déclare Dr. Gueye.
Au Sénégal, l’éducation sexuelle n’est pas encore introduite dans le système scolaire. Certains syndicats d’enseignants estiment que les réalités culturelles sont totalement contre cet enseignement. Le Ministère de l’éducation quant à lui estime que c’est au gouvernement de déterminer souverainement le contenu des dispensés à ses apprenants. Un contenu qui n’intègre pas pour le moment l’éducation sexuelle. Ce qui pousse les jeunes à s’organiser eux même pour sensibiliser leurs pairs.