Dans le quartier populaire de Khar Yallah, dans la banlieue de Dakar, un groupe de jeunes se partagent un joint de chanvre indien enveloppé dans un bout de papier. Pour eux, ce moment est unique. Sous couvert de l’anonymat, ils se confessent au micro de VOA Afrique.
"Fumer du chanvre indien me permet de me libérer de tous mes soucis pendant un certain temps. J’ai l’esprit tranquille et le corps super léger. Je suis élève en classe de 4e. J’ai commencé à prendre ca au collège parce qu’il y avait un grand qui m’en vendait par petites quantités et finalement, je m’y suis habitué", expique-t-il.
"Durant les grandes vacances scolaires, je me trouve un petit boulot et avec mes amis, on se cotise pour avoir un joint à nous partager. On prend notre dose, on est tranquille dans notre coin et on dérange personne".
Pour avoir leur dose, ces adolescents se tournent vers leur fournisseur, lui aussi relativement jeune. Il explique les détails de son business.
"Je suis passé par la même galère que ces jeunes avant de devenir revendeur", confie-t-il. "Il y avait nos grands qui fumaient du chanvre juste derrière notre école et en les fréquentant, on a chopé le virus et depuis, on est dans le business du chanvre. Au Sénégal, il y a de rares personnes qui cultivent du chanvre indien. La plupart du temps, on s’approvisionne depuis la Gambie, le Mali, et même la Casamance. Les zones qui sont en conflit sont plus adaptées à la culture du chanvre indien".
Malgré ses ravages, le chanvre indien est plus que jamais utilisé par les adolescents. La plupart du temps, ils le font au péril de leur vie.
"Je suis une fois tombé malade à cause du chanvre indien. Je respire difficilement et je toussais tout le temps. D’ailleurs, la plupart du temps, ces toux étaient accompagnées de sang. J’avais très peur et les gens me suppliaient d’arrêter l’usage du chanvre indien, mais rien n’y fait je continue toujours à l’utiliser", témoigne un jeune Sénégalais.
Le docteur Idrissa Ba, psychiatre-addictologue et coordonnateur technique du Centre de prise en charge intégrée des addictions de Dakar affirme que les conséquences peuvent parfois être plus graves.
"Du fait de la consommation, beaucoup de jeunes deviennent incontrôlés et dépendants. L’autre conséquence, c’est d’autres problèmes sur le plan médical", souligne-t-il.
"Des problèmes pulmonaires, des problèmes de comportement parce que ça entraîne des troubles du comportement, mais aussi à la longue ca impacte sur les fonctions cognitives donc des troubles psychiatriques peuvent apparaître. Il y a aussi des conséquences sur le plan social avec la violence".
Au Sénégal, le Centre de prise en charge intégrée des addictions de Dakar est la seule structure capable de venir en aide à ces jeunes usagers de drogues. Le Docteur Idrissa Ba assure qu' "il faut former le personnel local pour qu’il puisse prendre en charge les problèmes liés au trafic de drogue au même titre que les autres problèmes de santé".
"Nous sommes des médecins, on ne peut pas former et mettre partout des spécialistes, mais on peut former des gens et cela participe à la lutte contre la discrimination".
Au Sénégal, la prise en charge des jeunes victimes d’addictions est problématique. Il n’existe qu’une seule structure spécialisé dans la lutte contre les addictions et la consommation de drogue, plus particulièrement celle du chanvre indien demeure importante chez les adolescents.
Loin des structures de prise en charge et sans contrôle parental, ces jeunes demeurent prisonniers de leur addiction.