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Avant la visite de Charles III au Kenya, les vétérans Mau Mau espèrent justice et reconnaissance


Soixante ans après la révolte des Mau Mau, les survivants de la lutte attendent toujours justice de la part du Royaume-Uni.
Soixante ans après la révolte des Mau Mau, les survivants de la lutte attendent toujours justice de la part du Royaume-Uni.

Les vétérans de la rébellion Mau Mau, sévèrement réprimée par les colons britanniques dans les années 1950, comptent bien se faire entendre à l'occasion de la visite du roi Charles.

Détenu durant sept ans dans un camp de travail, privé de nourriture, torturé: Gitu Wa Kahengeri a vécu dans sa chair son combat pour libérer le Kenya de la puissance coloniale britannique. Soixante ans plus tard, il attend toujours justice. Ce nonagénaire, qui dirige la principale association d'anciens combattants de la rébellion Mau Mau, redouble d'efforts dans sa quête d'excuses et compensations du gouvernement britannique avant la visite du roi Charles III au Kenya (31 octobre-3 novembre).

"Nous nous sommes battus pour être libres parce que les colons s'étaient emparés de toutes les terres fertiles", explique-t-il dans un entretien à l'AFP. "Les traitements cruels infligés aux Africains par l'administration coloniale, je fais partie de ceux qui les ont subis", ajoute-t-il.

Gitu Wa Kahengeri a rejoint en 1946 les rangs des Mau Mau, mouvement qui s'est lancé dans la lutte armée en 1952. Pendant près de huit ans, la guerilla menée par ces "combattants de la liberté" – souvent coiffés de dreadlocks et vêtus de peaux d'animaux – a terrorisé les colons, attaquant fermes, maisons et autres installations britanniques.

L'implantation massive de colons dans la région du Mont Kenya avait suscité un vif ressentiment de l'ethnie locale des Kikuyu – dont fait partie Gitu Wa Kahengeri – chassée de ses terres.

Torture et mutilations

Quelques mois après le début de la révolte, le Premier ministre britannique Winston Churchill a déclaré l'état d'urgence, ouvrant la voie à une répression brutale. Des dizaines de milliers de personnes ont été raflées et détenues dans des camps où, selon de nombreux témoignages, exécutions, tortures et passages à tabac étaient fréquents.

En 1953, Gitu Wa Kahengeri a été arrêté avec son père et envoyé sur l'île de Manda à des centaines de kilomètres de sa région natale. "Nous avons laissé nos enfants à la maison, dans la souffrance, sans nourriture, sans soins médicaux et sans éducation", explique-t-il, évoquant avec précision ses sept années de détention.

Plus de 10.000 personnes sont mortes lors de la révolte Mau Mau, un chiffre sous-estimé selon certains historiens. Des dizaines de milliers de Kényans – dont beaucoup n'avaient aucun lien avec les rebelles – ont subi des traitements atroces (torture, mutilations sexuelles...) de la part des forces britanniques.

Buckingham a déclaré que, lors de leur visite, le roi Charles III et la reine Camilla "reconnaîtront les aspects les plus douloureux" de l'histoire coloniale. "Sa Majesté prendra le temps (...) d'approfondir sa compréhension des torts subis pendant cette période par le peuple kényan", a indiqué le palais.

"Silence"

"Si on me donnait une chance de parler au roi, (...) la première question que je lui poserais serait: pourquoi avez-vous gardé le silence ?", confie Gitu Wa Kahengeri. Cet ancien député appelle Charles III à aller au-delà d'une simple déclaration de regrets pour les abus commis et à restituer "sincèrement et volontairement" les objets spoliés au Kenya.

En 2013, la Grande-Bretagne a indemnisé plus de 5.000 Kényans victimes d'abus pendant la révolte Mau Mau, dans le cadre d'un règlement à l'amiable de près de 20 millions de livres (environ 23 millions d'euros de l'époque). La Grande-Bretagne a également financé un mémorial, inauguré en 2015, en hommage à l'ensemble des victimes de cette révolte, geste rare de la part d'une ancienne puissance coloniale.

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Pour Gitu Wa Kahengeri, ces compensations sont insuffisantes, comparé à la pauvreté dans laquelle vivent la plupart des anciens Mau Mau, et il exhorte le gouvernement britannique à "faire davantage pour cultiver la réconciliation que nous recherchons".

"Nous ne faisons pas la manche"

Sa quête de reconnaissance se fait aussi du côté des autorités du Kenya, où la révolte Mau Mau a longtemps été un tabou. "Aucun des gouvernements ne s'est occupé des combattants de la liberté comme ils le méritaient", estime le vieil homme, dont l'association d'anciens combattants revendique plusieurs dizaines de milliers de membres: "Nous ne faisons pas la manche, nous réclamons nos droits."

Le premier président du Kenya, Jomo Kenyatta, disait désapprouver l'usage de la violence par les Mau Mau. Cette révolte a également divisé le pays, où une partie de la population a collaboré avec la puissance coloniale. Les Mau Mau sont demeurés une organisation illégale jusqu'en 2003.

Une forme de reconnaissance est venue en 2007 avec l'installation dans la capitale Nairobi d'une statue du leader Mau Mau, Dedan Kimathi, un demi-siècle après son exécution par les autorités coloniales. Mais pour Gitu Wa Kahengeri, "c'est une grande perte d'avoir sacrifié l'éducation de nos enfants, la bonne santé de nos enfants, pour au final n'obtenir aucune reconnaissance."

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